Le rappeur nigérian Falz fait partie des voix majeures de l’afropop. Il s’est adonné à l’exercice des reprises et vient de sortir sa version de « This is America » de Childish Gambino sous le titre de « This is Nigeria ».
Au collège, on apprend que le théâtre est divisé en trois unités. Une unité de temps, d’espace, et de lieu. Dans les deux clips, nous sommes dans un grand hangar peuplé de figures symboliques. Nous sommes également à notre époque, celle qui est pointée du doigt. Seule l’unité de lieu change. Si Childish nous emmène dans les bas fonds de l’Amérique Trumpienne, Flaz a choisi le Nigeria de Muhammadu Buhari, comme théâtre de dénonciation. D’ailleurs, le rappeur nigérian se substitue presque à la perfection au rôle que joue Childish.
Si la mélodie est la même chez les deux hommes, les paroles sont adaptées aux réalités de chacun. Chez Falz, le clip s’ouvre sur un discours de Femi Falana, avocat pour les droits humains qui n’est autre que le père de Falz lui-même (Folarin Falana dans la vie civile) :
« Pas de système de santé dans un Système capitaliste néo-colonial basé sur la fraude et l’exploitation. Beaucoup de cas criminels sont bloqués dans les stations de police ».
Certes, ici aucun homme ne se fait pas (faussement) tirer dans la tête. Mais ça n’enlève rien à la violence de la machette qui mime un acte de décapitation. Chacun son arme, le résultat est le même.
« Everybody be criminal »
Ici également, pas de faux-semblant. La violence, même mimée, est immédiatement visible et absolument partout. Hommes armés de battes, de machettes, combats en corps à corps.... Ce clip, c’est la mise en images des difficultés socio-politiques du Nigeria. Corruption, pauvreté, drogues, violence, terrorisme, abus sexuels… Oui, les États-Unis d’Amérique n’ont pas le monopole des atrocités.
Si nous jouions au jeu des 7 différences nous dirions – comme l’a très justement remarqué le journal Jeune Afrique – que les lycéens américains sont ici remplacés par des jeunes femmes voilées afin de dénoncer les exactions de Boko Haram (NDLR : l’éducation occidentale est péché) qui avait enlevé des lycéennes de Chibok dans la nuit du 14 au 15 avril 2014.
Tout le monde passe sous les punchlines acérées (parce que vraies) du rappeur : des politiciens aux forces de l’ordre corrompues, en passant par les pasteurs qui jouissent d’un fort pouvoir au Nigéria.
« This is democracy ? Political hysteria. »
Mais aussi « Politicians are thiefs »... Falz The Bahd Guy en a dans le falzar et n’y va pas par quatre chemins. Pourquoi faire durer le suspense quand on connaît déjà la suite ?
« This is Nigeria, no electricity daily. Young people are still working multiple jobs while the tox are lazy ».
Dans le pays le plus peuplé d’Afrique, les ravages de la consommation de sirops pour la toux composés de codéine (un substitut à la drogue) chez les jeunes qui le consomment à outrance – ce que l’on peut voir dans ce clip. Le rappeur y fait également allusion à l’agression médiatisée d’un étudiant de l’université de Lagos, attaqué par des officiers de la SARS (Special Anti Robbery Squad)...
On retrouve à la fin du clip un grand chèque que l’on a vu passer dans une scène précédente. Sur ce dernier, l’inscription « Big Sister Naija ». Difficile d’y voir autre chose qu’une référence à la célèbre télé-réalité africaine « Big Brother Naija ». Ultime dénonciation d’une société bling-bling qui ne se fie qu’aux apparences dans un pays où 60 % des Nigérians vivent dans la pauvreté ?
On vous avait prévenus... Tout y passe.