L’histoire se déroule à Sidi Bou Saïd, dans une maison du village en haut de la colline. C’est là que Amina Sboui, qui s’est fait connaître par ses actions chez les Femen, habite. Elle est entourée d’une bande de jeunes paumés. Rejetés par leurs familles, marginalisés par la société pour leurs orientations sexuelles ou parce qu’ils n’ont pas adopté le genre « ’qu’il faut »’. La violence est le quotidien de ce groupe que Nada Mezni Hfaiedh a décidé de suivre.
Nous ne sommes ni ange ni démon, nous sommes les deux à la fois, parfois un peu plus. Nous sommes complexes et pourtant les jugements auxquels nous faisons face, ne sont pas toujours profonds ni fondés. Écartés seulement parce que différents, des individus se retrouvent stigmatisés et à la marge de la société. C’est le lot de la communauté LGBTQI en Tunisie.
Dans son film Upon The Shadow, Nada Mezni Hfaiedh braque la caméra sur 5 jeunes que le toit d’Amina, dont l’éditeur paie le loyer, abrite.
Sandra et Atef, deux transgenres, Ramy un activiste homosexuel, Ayoub un créateur de mode, homosexuel aussi, et puis Amina. Elle a indigné les plus conservateurs pour avoir posé seins nus, les militants droits-de-l’hommistes progressistes n’approuvent pas forcément ses méthodes non plus, c’est une autre facette de Amina que l’on découvre dans le documentaire. Une sorte de Robin des Bois des temps modernes avec une bande de justiciers. Ils sont excentriques, ils ne se laissent pas faire, ils vont à la rescousse d’une femme battue par son mari en menaçant ce dernier… mais, les gros plans montrent des blessures, des cicatrices au 1er et au second degré. Atef qui clôt le documentaire avec une tentative de suicide porte sur la poitrine une empreinte indélébile, celle de la cigarette avec laquelle son père l’a brûlé. Sa mère le voit toujours, elle lui rend visite, elle pense qu’un jour il changera, elle croit qu’il est « récupérable »…
Sandra et son histoire d’amour détruite par les jugements, Rami que la maman culpabilise à tous les coups et celle qui, à force d’absorber la douleur des autres, s’automutile pour exorciser sa douleur… Amina.
Les clichés et l’aspect dramatique n’ont pas toujours été évités avec soin, mais le documentaire, qui adopte une chronologie ascendante, sans digression aucune, suivant au quotidien ces jeunes est touchant. Parfois avec candeur, Upon the shadow appelle à la tolérance, il nous interpelle sur le fait que le genre est une construction sociale, il pose des questions. Scénarisé, romancé, il titille, il bouscule, vous n’en sortirez pas indemnes.
Upon the Shadow, en lice pour le Tanit d’or dans la catégorie documentaire long, sera dans les salles à partir du 9 novembre, pour 3 dates.
Nada Mezni Hfaiedh a déjà signé Hkeyet Tounsia, elle récidive avec ce documentaire pour nous raconter des histoires et ça marche plutôt bien.