Le groupement des femmes potières de Sejnane a collaboré durant 6 mois avec l’artiste Meriem Besbès, lors d’un workshop pour une conception et une lecture différentes des créations habituelles qu’elles avaient l’habitude de mettre en place. L’atelier a eu lieu avec la participation d’El Warcha et de l’artiste Hichem Driss.

Cette collaboration a donné naissance à une exposition au Palais Abdellia, où les visiteurs ont certes retrouvé les couleurs et les matières qui caractérisent tellement les artisanes de Sejnane, mais dans des formes et des représentations différentes, probablement plus évoluées. Abstraites pour certaines, les créations exposées vont du luminaire où bois et argile se marient, jusqu’aux vases, aux décorations murales…

Armées d’espoir malgré les difficultés, les potières ne cachent pas leur fierté de voir leurs réalisations artistiques exposées. « Ça n’a pourtant pas été facile », nous explique Romdhana, leur doyenne. « Avant, nous n’avions qu’à présenter nos produits aux bus et aux voitures de touristes, sur la route. Certaines venaient même passer la journée chez moi, aujourd’hui, on a du mal à distribuer nos créations… mais nous sommes contentes de cet atelier et prêtes à évoluer davantage ».

Il faut dire que l’activité de ces dames ne se résume pas uniquement à la poterie, mais qu’elles ont une vie quotidienne à gérer. Et c’est cette vie de communauté qui constitue un atout majeur dans la célèbre créativité qui a fait la réputation des potières de Sejnane en Tunisie et ailleurs.

« Ce sont des femmes créatives et libres, cette liberté vient aussi de l’absence des hommes » tente d’expliquer Meriem Besbès la plasticienne qui a travaillé avec les potières durant des mois.

« J’ai découvert Sejnane que je ne connaissais pas et j’ai découvert des femmes qui développent des choses, qui ont du temps pour créer, qui discutent entre elles, qui rigolent... »

Outre le fait qu’elles expriment un besoin de créer, une idée, les femmes potières de Sejnane ont donné forme et moyen à leurs aspirations socio-économiques en réalisant leurs poteries. Poteries inspirées par l’environnement dans lequel ces femmes évoluent. Elles utilisent les matières comme le foin, la bouse de vache, l’argile qu’elles vont chercher dans la montagne, pour avoir leur matière première. Leur métier est éprouvant, elles le mentionnent souvent, mais, souveraines de leur royaume, elles vont au-delà de l’épuisement, notamment à travers cet atelier, pour laisser libre cours à leur potentiel artistique, qui s’exprime, sans limites. L’absence des hommes laisse du temps et de l’espace à ces artistes leur permettant de se donner les moyens d’accomplir leur projet, en développant leurs idées, transformant leur art traditionnel en art plus contemporain, voire un peu plus sophistiqué.

Mais la créativité ne suffit pas toujours, les femmes potières ont besoin de faire parvenir leurs créations au large public et hormis des occasions comme celle-ci ou lors de la foire annuelle de l’artisanat, les opportunités restent limitées pour les potières de Sejnane.