Pourquoi ne pas se plier, dans le cadre de cette chronique, et en cette fin d’année à proposer une revue des moments cinématographiques marquants ?
Il est toujours bon de faire des bilans, même si on les sait souvent partiaux.
Prêtons nous donc à ce qui n’est finalement qu’une tradition. Etat entendu qu’on ne reconnaît les chefs d’œuvre du cinéma et les moments charnières de son histoire qu’en en écrivant la chronique bien plus tard…
Souvenez-vous des cinéastes du main stream américain qui ont été canonisés par les enfants terribles de la nouvelle vague autour du tutélaire André Bazin…
Il s’agit dans cette première partie de l’exercice de rendre hommage au producteur, critique et directeur des trois dernières sessions des Journées Cinématographiques de Carthage, Néjib Ayed, disparu cet été quelques semaines avant la tenue d’une session qui lui a été dédiée.
Homme de consensus et de dialogue, cinéphile averti, passionné des cinémas d’Amérique du Sud, Nejib Ayed aura essayé de réaffirmer les fondamentaux des JCC. Son identité comme on se plaît souvent à dire. Il l’a fait en étant conscient que la caractérisation d’un festival pouvait conduire à une forme de crispation. Il s’agissait de trouver l’équilibre incertain entre argent, glamour, résistance et militantisme…
Tâche malaisée dans un environnement où les tracés deviennent ténus entre le commercial et l’artistique. Maintenant que la mondialisation a imposé une internationalisation des financements, où des capitaux asiatiques sont investis à Hollywood, et où les cinémas du Sud porteurs de nouveauté ne se font qu’avec l’appui français, quelle définition donner à l’indépendance, à l’image nationale ?
Comment renforcer la ligne éditoriale d’un festival prestigieux comme les JCC, sans se gargariser de slogans creux, désuets et improductifs et qui ne servent qu’à donner une illusoire contenance à des révolutionnaires de pacotille ?
Toutes ces questions Nejib se les posait. Sans détours. Et il va falloir réfléchir honnêtement à ces questions, alors que le cinéma africain vit ces heures les plus difficiles et que les JCC sont prises en tenaille d’un côté par des festivals plein aux as mais sans âmes ni spécificités culturelles et par des doublons nationaux dont on devine mal ( ou un peu trop) les visées…
On gardera aussi de Néjib, l’image d’un bon vivant. Une joie de vivre qu’il ne pouvait envisager en dehors du cinéma. Il pouvait ainsi discuter avec un bonheur évident de films qu’il a vu il y a plus de trente ans. Il pouvait décrire des scènes entières d’un film de Chahine ou de Glauber Rocha.
Néjib a cru dans un certain cinéma. Il l’a surtout aimé. Et il a continué à le faire à un moment où il est bien plus confortable de renoncer ou de jouer aux contestataires de service…
Adieu l’ami…