C’est en novembre 2014 qu’a eu lieu la première exposition baptisée « Carthage Fact and Myth » au Musée national des Antiquités à Leiden, l’un des musées les plus convoités des Pays-Bas. L’exposition a réuni plus de 300 pièces uniques (mosaïques, sculptures en marbre et en bronze, vestiges funéraires, bijoux, objets en verre, etc.) et a accueilli plus de 130 000 visiteurs, entre Hollandais et touristes.
La suite, une deuxième exposition, se tient actuellement au Musée national du Bardo et se poursuivra jusqu’au 24 mai 2017. Intitulée « Carthage rediscovered : Humbert in Tunisia », elle retrace le parcours passionnant de Jean Emile Humbert, un ingénieur-chef pas comme les autres.
Les quatre-vingt-onze pièces et vingt-trois manuscrits sont exposés dans un décor sobre, rendant hommage à Jean Emile Humbert (1771-1839), officier du génie des Pays-Bas, détaché auprès du bey « Hamouda Bacha » aux fins de modernisation des ports et des fortifications de la côte septentrionale de la Régence en 1796. Officier issu d’une noble famille de Velletri, Jean Emile Humbert traversa les années de la Révolution et de l’Empire, au service des états pontificaux, puis de l’Autriche, de la République romaine, de la France, terminant sa carrière mouvementée auprès de Murat, roi de Naples, ce qui le conduisit, après la chute de ce dernier, à s’exiler à Tunis pendant plus de 20 ans.
Jean Emile Humbert, cet anthropologue et archéologue converti, connaissait les moindres recoins d’une Tunisie vierge. De ses pérégrinations, il s’est volontairement ou involontairement procuré l’antiquité et une imposante documentation écrite et dessinée en est ressortie. Des extraits, notamment, éparpillés au sein des cahiers constituant son journal, un chapitre « Cartagine » dans un état de rédaction avancé, mais non achevé, des notes diverses, d’importance et d’intérêt variables et des dessins, parfois accompagnés de légendes développées. Les croquis d’Humbert, les plans, les relevés, les cartes et les dessins sont les plus impressionnants dans cette exposition. Ils nous permettent de cerner les hypothèses relatives à la topographie de Carthage à la lumière des fouilles archéologiques faites à cette époque-là.
L’un des objets phares dans cette exposition et qui pourrait vous interpeller lors de votre visite, c’est la collection numismatique islamique d’Humbert, qui compte 31 pièces datant des périodes médiévale et moderne. L’inscription gravée sur le devant de la boîte en bois mentionne que le Prince « Mustapha Khaznadar », le Premier ministre de « Mohamed Sadok Bey » de la Régence de Tunis a offert par l’intermédiaire d’« Henry Nijssen », le consul néerlandais à Tunis cette collection au Trésor de Leiden au mois de Jumada I, 1277 héjire/décembre 1860.
La majorité des objets exposés rendent hommage à cet archéologue hors pair, mais nous frustrent quant à l’héritage considérable qui sommeille loin de nos terres. Dans son livre « La Tulipe et le Jasmin », l’écrivain Hatem Bouriel revenait déjà sur les voyages surprenants des corsaires et des savants néerlandais qui ont sillonné la Tunisie au XIIIe et au XIXe siècle. Il décrit aussi l’aménagement du port de la Goulette par l’ingénieur Jean Emile Humbert. Hatem Bouriel est en train d’écrire un autre livre qui retracera avec plus de finesse la passion d’un ingénieur-chef hollandais pour la Tunisie. En attendant l’apparition du livre, visitez l’exposition sur l’homme qui a esquissé Carthage en Néerlandais.