Quand la "nation migrante" de Jaou nous donne des ailes

Quand la "nation migrante" de Jaou nous donne des ailes

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À la croisée des chemins entre lart et le social, la 4e édition de Jaou raconte les migrations. 

Si la migration, réalité humaine ancestrale, peine à émerger comme source didentité collective dans notre contexte actuel d’États-nations, il s’avère que l’art est le meilleur illustrateur de ce phénomène social d’actualité.

 

 

 

 

 

Forcée ou volontaire, économique ou politique, formelle ou clandestine, la migration reflète un socle identitaire commun à toutes les sociétés. Et être produite et/ou reproduite artistiquement n’est autre qu’une redéfinition du mémoriel des populations, fragilisées par la mondialisation, qui mêle les frontières des pays et les contours des spécificités culturelles.

 

C’est justement pour « Passer les frontières », dites virtuelles, que la première rencontre-débats de la 4e édition de Jaou s’est tenue à l’académie tunisienne des lettres et des arts, Beit El Hekma, le 12 mai 2017. Les questions suivantes ont été alors abordées : comment les arts se saisissent-ils de l’actualité migratoire ? Comment celle-ci est-elle présentée et représentée dans le parcours et l’œuvre de l’artiste ?

 

Dans son allocution d’ouverture, M. Abdelmajid Charfi a esquissé brièvement l’histoire de la migration à travers les âges, en rappelant que la Tunisie, à un moment donné, était une terre de paix puisqu’elle a accueilli les Morisques fuyant la guerre en Espagne, les Siciliens et les Sardes qui fuyaient la famine et les quelques Maltais qui ont pris pied à Porto Farina et à Djerba en 1858. Aujourd’hui, la migration n’est pas un sujet anodin pour les Tunisiens, elle fait partie de leur vécu, souligne M. Charfi.

 

 


Crédit photos Emna Khelifi

 

Quant à M. Kamel Lazaar, directeur de la fondation Lazaar, il a souligné que la thématique de la migration est un sujet qui lui tenait à cœur. Voyant des milliers de nos jeunes échouer sur les côtes de Lampedusa, M. Lazaar considère que « Nation migrante » est un appel à la libre circulation, à l’abolition des frontières entre les pays ainsi qu’à la citoyenneté mondiale.

 

 


Crédit photos Emna Khelifi

 

Dans les pays du sud, les artistes sont souvent freinés par les frontières qui les empêchent de s’exporter et d’être visibles. Pour accéder à la scène internationale, plusieurs d’entre eux finissent par s’exiler. Barrack Rima, auteur de bandes dessinées et cinéaste libanais qui a fui la guerre au Liban pour s’installer en Belgique, a longuement parlé de son expérience douloureuse d’un artiste migrant.

 


Crédit photo Emna Khelifi


Crédit photos Emna Khelifi

 

Alya Sebti, la directrice de IFA galerie Berlin/Maroc, a évoqué cette dualité permanente entre pays où on arrive et pays qu’on quitte en l’associant à l’art. Elle s’est interrogée sur ce que peut être une migration : faut-il parler de la migration vue à travers le prisme de l’art ? Ou la migration dans l’art ? Elle a donné l’exemple des Libanais qui ont fui la guerre civile et sont venus s’installer en Syrie. La Syrie, actuellement en guerre, migre vers Berlin. L’image des énormes grillages, cette séparation qu’elle estime coloniale la frustre, l’attriste et définit cette dualité comme un « non-lieu » entre un pays que l’on quitte et un autre qui nous accueille.


Credit photos Emna Khelifi

 

Justinien Tribillon, cofondateur du magazine « Migrant Journal » a notamment évoqué sa propre expérience en tant que migrant français vivant en Angleterre. Il affirme que les germes de son projet de journal se projettent dans les expériences personnelles des fondateurs. Le Journal itinérant a pour vocation d’aborder à chaque édition un thème différent lié à la migration comme point de départ. Publier un regard, un point de vue différent des espaces vers lesquels les migrants se déplacent. Au-delà de la ville, par des essais et des rapports, il explore ce qui arrive à la campagne, de l’exode rural au Japon aux glaciers changeants, aux Alpes, aux espaces non documentés, au Mexique.

 

 


Crédit photos Emna Khelifi

 


Crédit photos Emna Khelifi

 

Mme Cyrine Gannoun, directrice de l’espace El Hamra, a indiqué de son côté que cette « Nation migrante » sera l’occasion pour comprendre la migration sous toutes ses déclinaisons et toutes ses expressions. Elle sera un vrai laboratoire d’expérimentation sociale et artistique pour repenser les connexions entre les arts performatifs et la vie quotidienne, la société et l’artiste, l’Homme et son territoire et pas seulement.

 


Crédit photo Emna Khelifi

 

L’artiste pense et définit son œuvre, avec la communauté, en tant que première cible, ayant comme mission de lutter contre certaines crises sociales majeures de notre temps, liées entre autres à la migration.

 

« Nation migrante » s’articule autour de projets confiés à une quarantaine d’artistes. Chaque projet artistique propose une ou plusieurs œuvres explorant la migration. Disséminés entre le Kram et la Goulette, les espaces investis sont animés par des artistes appartenant à plusieurs disciplines : musiciens, acteurs culturels, photographes, danseurs. Des créations artistiques originales et inédites sont à découvrir dans des lieux insolites. D’autres événements se déroulent en marge de Jaou, dans Tunis et environs du 12 au 16 mai.