Rochdi Belgasmi est un danseur et chorégraphe tunisien qui a choisi d’affronter les traditions archaïques et d’interroger la culture arabo-musulmane. Le corps, le profane, le sacré, le politique, le sexe sont les terrains de jeux favoris de Rochdi Belgasmi. Après « Memorium », « Méta-danse وإذا عصيتم », et « El Zaglama », le danseur chorégraphe est de retour avec sa dernière création « Ouled Jalleba » qui apporte un regard différent sur le corps sexué. Ouled Jellaba a été présenté ce samedi 6 mai, au théâtre El Hamra dans le cadre du festival « Tunis capitale de la danse ». Ouled Jellaba a reçu le prix du public de ce festival annuel.
Ouled Jellaba, un spectacle de revanche pour les opprimés et les marginaux, à travers lequel Rochdi Belgasmi a essayé de réécrire une partie l’histoire morale de la société et de glorifier un personnage tunisois jeté aux oubliettes pour des raisons morales et religieuses. Dans les années 20, Ouled Jellaba, l’androgyne, servait le vin et dansait dans les rues et les cafés chantants de Bab el Fella et Bab Souika. Un personnage victime des préjugés à cause de son identité sexuelle. Ce spectacle met l’accent sur la question de genre et les libertés individuelles en Tunisie.
Ouled Jellaba un danseur travesti, est doublement sanctionné par une société conservatrice qui néglige totalement la dimension créative de ses spectacles. Rochdi Belgasmi rebondit sur ce personnage afin de mettre en question la virilité de l’homme et la féminité de la femme, des concepts véhiculés par le patriarcat afin d’assurer la domination masculine. La danse est pour Belgasmi un travail de réflexion, un laboratoire du corps, un refuge et une raison d’être, il aime travailler sur les ambiguïtés et les sujets provocateurs tels que la sexualité dans sa dimension culturelle et sociale.
Le spectacle Ouled Jellaba est basé sur les danses traditionnelles, on peut dire que c’est à un cours de danse improvisé que Rochdi Belgasmi invite son public sur la scène pour une initiation chorégraphique. Le chorégraphe fait le tour des différentes danses populaires tunisiennes comme le Reboukh (né dans le milieu ouvrier), la Nouba, Raqs el Juzur (les danseurs ou les danseuses portent en équilibre une ou plusieurs jarres sur la tête), la danse des foulards, Bounawarra, Fazzani etc.
Le corps dansant attire et dérange dans une société où le désir refoulé le dispute aux règles de bienséance. Ouled Jellaba est une réflexion chorégraphique et historique sur les figures de la danse populaire dans les milieux citadins, et particulièrement une réflexion sur les danseurs travestis des années 20, condamnés au silence, mais qui ont certainement marqué l’histoire de la danse tunisienne.
Rochdi Belgasmi, l’agitateur, ne baisse jamais les bras, il prépare un nouveau spectacle sur la prostitution prévu pour l’année prochaine.
Photo de couverture : Tarek M’rad