Ne devenez jamais une Grande Personne, lisez le Petit Prince!

Ne devenez jamais une Grande Personne, lisez le Petit Prince!

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Alors qu’il vient juste de fêter ses 74 ans, le Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry devient l’ouvrage le plus traduit au monde après la Bible et le Coran, s’élevant ainsi au rang de livre sacré. Toutefois, le Petit Prince ne s’intéresse nullement à l’au-delà, mais à la vie, à l’amour, à la mort, aux rapports humains, aux origines...

 

Avec le Hassanya, un dialecte arabe parlé au Sahara marocain, c’est en 300 langues que l’on pourra désormais lire les dialogues entre le Petit Prince aux boucles d’or et l’aviateur à qui il demande de dessiner un mouton. Vendu à des centaines de millions d’exemplaires à travers le monde, ce livre n’est pas un simple conte pour enfants, mais un recueil philosophique existentialiste. 

 

Quand il est publié en 1943 en France et aux USA chez Reynal & Hitchcock, c’est d’un livre léger que l’on parle. Un livre qui semble en contraste avec les écrits du temps de guerre. Personne ne devait imaginer à l’époque que près d’un siècle plus tard, c’est une déferlante qui gagne les 4 coins du monde et qui donne naissance à des adaptations, cinématographiques et théâtrales. Désormais c’est d’un incontournable classique que l’on parlera. Même s’il a écrit d’autres livres, Saint Exupéry, pilote, disparu au large de Marseille en 1944, est devenu immortel grâce à son Petit Prince.

 

Car je n’aime pas qu’on lise mon livre à la légère. J’éprouve tant de chagrin à raconter ces souvenirs”  Le petit prince, chapitre IV

 

Le test du chapeau

 

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent ».

 

Si vous aussi, en regardant le dessin d’un boa qui a avalé un éléphant, vous voyez un chapeau, alors vous avez oublié l’enfant que vous étiez, vous avez abandonné toute fantaisie et vous avez choisi d’écouter votre raison aux dépens de votre cœur. 

 

Et c’est là que se trouve le secret de cette œuvre remarquable, peuplée de personnages excentriques, d’animaux qui parlent, de Baobabs géants et de roses... Regroupant les caractéristiques du conte et parfois aussi celles du mythe, le Petit Prince est une quête de la vérité. L’histoire qui commence, si l’on met les événements dans l’ordre, par un malentendu entre le Petit Prince et sa rose bien aimée, se termine avec la fameuse conclusion : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». S’il fait référence à l’allégorie de la caverne de Platon, Saint Exupéry, refuse tout rationalisme aux dépens de l’intuition, du cœur, du merveilleux. 

 

Ce Petit Prince, qui règne sur une petite planète, n’a ni nom, ni prénom. Habillé d’une cape et d’une épée par Saint Exupéry qui effectua lui-même les dessins, il part dans une conquête, mais l’auteur ne précise pas laquelle. Du moins, on ne saura rien de la nature de l’objectif du Petit Prince au début.

 

Sa quête au fil du conte et à travers les différentes planètes où le Petit Prince multiplie les rencontres, s’avère être spirituelle. Dans une sorte d’introspection, le héros parvient à comprendre des choses, les choses de la vie.

 

« C’est ainsi que j’ai abandonné, à l’âge de six ans, une magnifique carrière de peintre. J’avais été découragé par l’insuccès de mon dessin numéro 1 et de mon dessin numéro 2. Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c’est fatigant, pour les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications ».

 

« Lorsque j’avais 6 ans… » c’est comme ça que le livre commence. Saint Exupéry parle à la première personne, il parle de lui, enfant. Le Petit Prince serait le petit Antoine, le conte est une autobiographie de l’auteur. La rencontre avec l’aviateur, étant lui-même aviateur, est une rencontre entre Saint Exupéry et son enfant intérieur qui s’interroge, pose des questions, observe… 

Il observe les adultes et leurs occupations qui les séparent de l’essentiel, les adultes, qu’il appelle « Grandes personnes » par opposition à « Petit Prince ». 

 

 

Une panne de moteur, une réflexion, la rencontre avec soi

 

Auteur existentialiste, Saint Exupéry nous parle dans son œuvre de la responsabilité de chaque homme face à ses choix. Il aborde cette question à travers les rencontres du Petit Prince dans chaque planète, mais avant tout, à travers la rencontre de ce dernier avec l’aviateur. Un aviateur en panne, dans le désert, il est perdu et est amené à réfléchir sur tout, sur la vie, sur l’amour, sur l’amitié dans une sorte de quête spirituelle. Une réflexion qu’il entame quand il rencontre ce prince venu du ciel, comme un messager.

 

À coups de métaphores et de symbolique, c’est un voyage à la reconquête de l’humanité, notre humanité, auquel nous invite Saint Exupéry. Les grandes personnes n’ont pas le temps, elles aiment les chiffres, elles aiment le pouvoir comme le roi, l’argent comme le businessman, elles sont vaniteuses, égoïstes, mélancoliques, elles allument et éteignent un réverbère toutes les minutes par contrainte. Elles pourraient pourtant vivre autrement. L’essentiel n’est-il pas invisible aux yeux mais visible au cœur ?

 

« Pas le temps de rallumer », « je n’ai pas le temps de flâner », « je n’ai pas le temps de rêvasser », « les hommes n’ont plus le temps de rien connaître », « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante » ....  Mais le temps n’est-il pas subjectif ? Si au départ, l’auteur nous montre des personnes qui ont une notion stricte du temps, à la fin, c’est à l’amour qu’il associe cette donnée. 

Dans un monde qui se développe, se modernise, les humains s’isolent. Tout est mesuré, calculé, rien n’est laissé au hasard. Depuis notre plus jeune âge, nous sommes élevés, éduqués pour vivre dans ce monde mécanique. Mais quand on se retrouve au désert, le désert de notre isolement, de notre ignorance, nous prenons du recul, posons les bonnes questions. Finalement, ce livre sorti en temps de guerre était plus profond qu’on le croyait.

La peur est humaine, la tristesse l’est autant, elles sont signe d’un cœur en bonne santé, la raison ne doit pas toujours l’emporter, le cœur est là pour le rappeler, raison et cœur doivent aller de pair.

« Si tu m’apprivoises, dit le Renard, nous aurons besoin l’un de l’autre ». Finalement, le renard se laissera apprivoiser et pleurera la séparation.

 

La Disparition du Petit Prince à la fin, même si l’auteur ne nous dit pas qu’il est mort, est une réflexion sur la mort, une libération, une renaissance.

 

Si vous pensez offrir à votre enfant le Petit Prince de Saint Exupéry, lisez-le en même temps que lui, avec ses yeux et non avec les yeux d’une Grande Personne….