Myrath à Carthage : La revanche d’une communauté laissée pour compte

Myrath à Carthage : La revanche d’une communauté laissée pour compte

Partager

Du haut des collines de Carthage, au théâtre antique, les ancêtres ont été témoins d’un évènement comme on en voit rarement en Tunisie, le soir du 14 avril. Pas très différents des combats de gladiateurs de l’époque, ce théâtre mythique avait pour invités hier, une foule « étrange » peu habituée à se réunir en ce nombre au même endroit.

 

Piques, chaînes, dreadlocks, cheveux longs, barbes, collants déchirés, tennis, yeux charbonnés, t-shirts de groupes mythiques de black metal, death metal, glam rock, grunge, punk et trash, tatouages exhibés… et sourires rayonnants. Tous étaient en l’attente du groupe « Myrath », ce groupe tunisien de metal progressif oriental, qui, paradoxalement, ayant toujours été local, ne retrouve la reconnaissance qu’après s’être exporté à l’étranger.

 

La revanche d’un groupe local

 

 

Onze ans en arrière, ils faisaient la première partie de Robert Plant et Adagio à Carthage. Cette soirée, c’est la leur, et c’est « Persona », jeune groupe local qui commence à peine qui en assure la première partie !

 

Il a fallu qu’on exporte, pour qu’on nous importe chez nous, regrette le groupe, lors d’une interview accordée à Misk avant le concert. Mais pourtant, nous sommes reconnaissants de revenir. Cela prouve que le public est là, et on prouvera que notre genre n’est pas « secondaire ».

 

Une revanche culturelle et générationnelle

 

 

« Ils ne doivent rien comprendre à ce qui se passe ici ! Des “lil ya ‘aïn”, la musique de “Satan”… dites-leur qu’on existe ! » ainsi s’adressait Zaher Zorgati, le lead vocal du groupe Myrath à un public déchaîné, pointant du doigt un point « imaginaire » en dehors du théâtre antique. Et pour dire qu’elle existe, la foule répond en cris et vacarme… Ainsi est la culture metal, un son agressif à la limite de la saturation qui esthétise la poésie et la sensibilité.

 

Drapeau tunisien sur scène et dans les gradins, une danseuse du ventre qui se déhanche sur un rythme de basse et de batterie, dont le costume en paillettes, dentelle et satin contraste avec ses tatouages et avec les demi-notes qui la font « transer ». En bas de la scène, des headbangers se défoulent sur des rythmes envoûtants, certains se déhanchent comme le ferait n’importe quel Tunisien sur du « Mezoued ».

 

Derrière, dans les gradins, l’ambiance est plus soutenue, la tranche d’âge est supérieure, les chevelures plus « conventionnelles », mais les cœurs tout autant emportés. Metalhead un jour, metalhead toujours, semble traduire la foule par des sourires nostalgiques et une gestuelle plus discrète.

 

Après une absence de quatre ans de la scène tunisienne, le groupe Myrath a su séduire un public laissé-pour-compte. Les évènements rock-metal étant d’une rareté croissante en Tunisie, cette soirée a-t-elle été une retrouvaille entre les amateurs d’un genre et d’une culture stigmatisée et mal comprise ?

 

Plus tôt dans la journée du 14 avril, on est allé voir deux membres fondateurs du groupe, Malek Ben Arbia, guitariste et Anis Jouini, bassiste. Ils nous ont confié qu’avant tout, cette soirée était peut-être une occasion pour prouver que le « metal n’est pas mort » en Tunisie.

 

Dès les premières notes, les influences orientales ne cherchent pas à se cacher, mais s’exhibent fièrement, comme une revendication culturelle. « Le Metal n’est pas mort, mieux, il se réinvente ! »

 

Cette soirée était peut-être l’occasion pour ce qu’on appelle « la communauté » de prouver qu’elle existe encore et qu’elle peut remplir un immense théâtre comme celui de Carthage.

crédit photo: JMC