Meriem, la victime qui a inspiré "La belle et la meute" réagit au film

Meriem, la victime qui a inspiré "La belle et la meute" réagit au film

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"La belle et la meute" est le 3e long métrage de Kaouther Ben Hania, une fiction « librement inspirée » d’une histoire vraie racontée dans un livre qui s’intitule « Coupable d’avoir été violée ».

 

Le livre est paru en 2013, il a été écrit par Meriem Ben Mohamed, une jeune femme qui voulait raconter son histoire. L’histoire d’un contrôle d’identité qui vire à l’inquisition. Résultat des courses, Meriem emmenée dans la voiture et violée par deux des policiers et Ahmed, son copain, éloigné et raquetté par le troisième.

 

En brisant les tabous qui font d’une femme violée, la principale coupable de son viol dans nos sociétés parce qu’elle « l’aurait cherché » via son comportement ou ses vêtements, à l’époque, Meriem a réussi à inverser la tendance et à faire prévaloir son statut de victime, elle a même réussi à faire condamner ses bourreaux à 15 ans de prison.

 

Le film, inspiré de son histoire, se déroule sur une nuit, où une jeune femme voit sa vie basculer après avoir rencontré un charmant garçon. La nuit qui s’annonçait belle vire au cauchemar. Violée, maltraitée par les policiers à chaque fois qu’elle a essayé de porter plainte, soutenue par le jeune homme, qu’elle aurait préféré rencontrer dans d’autres circonstances, la nuit interminable de Meriem se poursuit jusqu’à l’aube. Une aube annonciatrice de changement, la fin du film est tout compte fait une ouverture sur la suite de l’histoire, celle que le spectateur pourrait imaginer ou alors celle qui a bien eu lieu en réalité.

 

Le choix de cette affaire précisément pour son film, Kaouther Ben Hania le justifie en parlant d’un personnage attachant qui l’a intéressé et non d’une histoire. D’ailleurs le film s’écarte de l’histoire originale à bien des endroits et ça, la principale protagoniste dans la réalité l’a tout de suite remarqué.

 

« Au début, je n’arrivais pas à faire la part des choses, entre mon histoire et celle que le film raconte » nous confie Meriem. Elle qui a dû faire face à tous les jugements possibles et imaginables, a tiqué sur la robe que portait, Meriem Chaouch, son alter ego dans le film.

 

Mais au bout de 3 visionnages, elle s’est fait une raison « la réalisatrice voulait montrer que, quelle que soit votre tenue, personne n’a le droit de vous violer ».

 

Elle tenait à préciser dans son discours qu’elle connaissait son copain depuis 8 mois quand ils se sont fait agresser par les policiers « je ne l’ai pas connu le soir même ».

 

Les divergences, aussi petites soient-elles entre le vécu et la fiction, ont dérangé Meriem au départ. Il lui a fallu du temps pour prendre de la distance, et voir le film comme une histoire à part entière. Elle ne pouvait pas être juste une spectatrice...

 

Mais à la fin, elle semble satisfaite. Que les gens soient choqués, horrifiés par le déroulement des événements dans le film, est pour elle un pari gagné. Sa bataille ne fut pas vaine : « je suis contente qu’ils réagissent ainsi, même si ce que j’ai vécu est pire, car contrairement au film, personne ne m’a aidée au poste de police ».

 

En effet, le film dresse dans le personnage de Noomen Hamda, le profil d’un policier à la conscience plus ou moins éveillée, qui résiste au corporatisme ambiant et finit par encourager la jeune fille à aller voir le procureur.

 

Dans l’histoire du cinéma, on ne compte plus les adaptations de faits réels au grand écran. Le passage par les livres qui reprennent ces faits facilite la tâche de narration en fournissant les éléments nécessaires au scénario. Mais il n’est dit nulle part que le réalisateur doit d’attacher en tout point aux faits.

 

Dans "La belle et la meute", c’est la propre lecture de Kaouther Ben Hania qui est présentée au spectateur, mais l’on peut dire que l’ambiance sombre est restituée. Le désarroi du personnage principal parvient nettement à celui qui regarde, et ce, du début jusqu’à la fin. Nous avons détesté feu Mohamed Akkari dans le rôle du policier ripou, Chedly Arfaoui a bien rendu l’image du policier violent psychologiquement. Nous nous sommes perdus dans les couloirs de l’hôpital et du poste de police et même si le viol n’a pas été filmé, il était présent tout au long du film, et ça, il semblerait que la vraie Meriem l’a senti, en prenant du recul d’une projection à l’autre.