L’homme qui dessinait des mangas

L’homme qui dessinait des mangas

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Jiro Taniguchi nous a quitté le 11 février dernier, laissant derrière lui une bibliographie époustouflante. Considéré par les critiques comme la légende du « Seinen », le plus européen des Mangakas japonais s’est éteint à l’âge de 69 ans.

 

 

Taniguchi est né dans la préfecture de Tottori. Ce coin particulier du Japon semble produire plus que sa juste part de géants du manga. Shigeru Mizuki (Kitaro) et Gosho Aoyama (détective Conan) sont aussi originaires de ce paradis du manga.

 

Après avoir obtenu son diplôme de Tottori Commercial High School, Taniguchi déménage à Kyoto en 1966 pour commencer à travailler dans une entreprise de textile, un métier qu’il abandonnera très vite. Vers la fin des années 60, il rencontre le mangaka Kyota et commence sa formation d’assistant. Quelques mois plus tard, Taniguchi publie sa première bande dessinée : Kareta Heya.

 

Le jeune apprenti poursuit sa formation sous les ailes d’un dessinateur plus célèbre, Kazuo Kamimura, et c’est ainsi que jiro découvrit les bandes dessinées européennes avant de se lancer dans une carrière solo en s’associant avec les scénaristes Natsuo Sekigawa et Caribu Marley.

 

Entre le manga et la bande dessinée

 

Tandis que Taniguchi serait plus tard connu pour sa fiction douce, contemplative et réaliste, ses premiers mangas  « une ville sans défense » (1978), « Trouble is My Business » (1980), et « Au temps de Botchan » (1987), prouvent que le soyeux Jiro savait comment crayonner l’historique, le polar et les mâchoires éclatées. C’est bien après quelques années que Taniguchi largue les stéréotypes du « Seinen », un genre souvent basé sur la violence graphique et sexuelle, pour adopter un style plus élaboré, inspiré par le cinéma naturaliste de « Yasujiro Ozu », entre autres.

 

Ses inspirations exotiques et sa prouesse technique sont tangibles dans des œuvres comme « L’homme qui marche » (1992), « Terre des rêves » (1992) et « Quartier lointain » (1999).

 

« Le paradoxe, c’est que tout en étant mangaka, mon style est assez proche de la bande dessinée à l’européenne et que je mets beaucoup d’éléments dans chaque image. Je me situe sans doute entre la BD et le manga de ce point de vue. Et c’est peut-être ce qui fait que pour certains lecteurs japonais, mes mangas sont difficiles à lire » (Jiro Taniguchi, l’homme qui dessine, Casterman).

 

Bien que respecté et admiré dans son pays natal pour son génie contemplatif, paisible et introspectif, Taniguchi n’était pas du genre à s’afficher sur les couvertures des magazines.

 

Ses inspirations lui viendront, ensuite, de l’Italien Guido Crepax, du Franco-Bulgare Enes Bilal, du Français Jean Giraud connu aussi sous le pseudonyme de Mœbius, du Belge François Schuiten et tant d’autres.

 

Admirées en Europe, ses œuvres ont, à leur tour, inspiré un mouvement d’art en France appelé Nouvelle Manga, dirigé par Frédéric Boilet et Benoît Peeters, avec qui Taniguchi avait travaillé sur la BD « Tokyo est mon jardin », avant de collaborer avec le fabuleux Mœbius.

 

Ces dernières années, Taniguchi avait commencé à obtenir une reconnaissance plus large dans son pays d’origine. Son œuvre « Le gourmet solitaire » avait été adaptée dans une série télévisée entre 2012 et 2015. Sa BD « Le Sommet des Dieux » qu’il avait produit avec l’écrivain Baku Yumemakura a été adaptée dans un Live-action en 2016. Cependant, Taniguchi a toujours été un élitiste/Underdog comme on aime à le qualifier.

 

 

Les éditions Casterman ont salué cet être « profondément bienveillant et doux », « plus enclin à laisser ses récits parler à sa place »