« La solitude n’est pas une arme, elle est la mort.
Vous comprenez pourquoi je cogne, pourquoi je m’agrippe à ces corps qui passent.
Il n’y a rien ce soir que des regards qui se croisent très vite,des mains qui se désunissent, surprises, un hiver qui dresse ses quartiers. La solitude n’est pas une arme ».
Ces vers sont extraits d’un poème qui s’intitule l’Adret. Il est l’œuvre de Jean Sénac, poète, pied noir, algérien, révolutionnaire membre du FLN. Rebelle, Sénac a porté dans ses écrits l’idée d’une révolution totale et permanente. Une insurrection solaire. Libératrice des esprits et des corps. Une révolution qu’évoque fortement sa poésie. Charnelle et tellurique.
Dans « Le Soleil assassiné », le réalisateur Abdelkrim Bahloul, retrace les derniers mois qui ont précédé l’assassinat de Sénac. Ce faisant, il filme surtout la mise à mort d’un rêve. D’un absolu certainement plus grand que ce que peuvent porter les frêles épaules des hommes.
Né en 1926 à Béni Saf d’un père qui a toujours refusé de le reconnaître, Sénac va rencontrer très vite la reconnaissance avec son recueil intitulé tout simplement « Poèmes ». Recueil édité en 1954 par Albert Camus et préfacé par René Char. Sénac n’a alors que 25 ans.
Le film de Bahloul tourné en partie en Tunisie et où on voit défiler de nombreux comédiens tunisiens, est de facture classique.
Sans surprises au niveau de la mise en scène, avec des dialogues parfois pesants, « Le Soleil assassiné » est porté par la remarquable prestation de Charles Berling.
Deux mouvements tissent la trame du film. Et qui finissent par se rejoindre. Le premier nous montre le piège qui est en train de se refermer autour de Jean Sénac. Esprit libre, il refuse de se plier à la ligne qui est en passe de s’imposer au sein du pouvoir algérien. Perfides, les agents du pouvoir ne vont pas l’attaquer sur sa dissidence politique. Quand ils le jugent irrécupérable, ils l’attaquent au sujet de sa vie intime. Sur son homosexualité dont il ne se cache pas. Qu’il revendique même.
"Le soleil assassiné". Jean Sénac ou le "don maudit" de la poésie
13 Janvier 2020
Partager