De la tige creuse et rigide du roseau, la nature offrit à l’Homme le plus beau des instruments, le Nay.
« Donne-moi le Nay et chante, le chant est le secret de l’existence
Le murmure du Nay perdure au-delà de l’existence » écrivit Gibran Khalil Gibran.
Cet instrument mélancolique aux sonorités si douces, souvent assimilées à des gémissements, a traversé les âges. Depuis les Sumériens, en passant par diverses civilisations, le Nay a toujours été un instrument incontournable de la musique arabe et orientale.
« Écoute le Nay raconter une histoire, il se lamente de la séparation… Chacun m’a compris selon ses propres sentiments, mais nul n’a cherché à connaître mes secrets ». Jalal din al Rumi (Mathnawi, livre I).
L’instrument a en effet ses secrets qu’il ne livre qu’aux joueurs les plus chevronnés. Pour en jouer, il faut maîtriser son souffle afin d’obtenir toutes les notes et les nuances nécessaires qui caractérisent les Maqams arabes. Nul musicien n’osera dire le contraire, jouer du Nay, n’est pas donné.
Partant de ce constat, le flûtiste et musicologue irakien résidant en Allemagne, Ghazi Ibrahim Youssef a passé les 15 dernières années à essayer d’améliorer l’instrument, afin d’en faciliter et simplifier l’usage. Combinant ses caractéristiques à celles de la flûte occidentale, il invente le Naylute (nay, flûte).
Aujourd’hui, le Naylute est un instrument qui peut émettre jusqu’à 24 notes. Grâce à ses six clés, il permet d’obtenir des notes justes et surtout obtenues avec plus d’aise, évitant ainsi au joueur diverses acrobaties et efforts supplémentaires.
« L’idée était de mettre en place le mécanisme adéquat qui permette au joueur d’obtenir toutes les notes », explique le professeur, en présentant ses recherches qui comportent 5000 documents, schémas, notes explicatives, etc.
« Le Naylute est une invention arabe, même si elle provient de la flûte allemande de Munich » rappelle le professeur Ghazi Ibrahim Youssef.
Des années de recherches, d’expérimentations, un atelier improvisé à la maison et plusieurs prototypes créés ont permis au musicologue de mettre au point son instrument, venu agrandir la famille des instruments à vent. Le Naylute a été présenté vendredi 10 mars devant un public de musiciens, d’étudiants et autres passionnés de musique à l’Institut Supérieur de Musique de Tunis. Ce dernier était derrière l’initiative de cette présentation avec l’Association de Rayonnement Culturel (Arc) et le Laboratoire National de Recherches en Culture, Nouvelles Technologies et Développement.
Le musicien, compositeur et joueur de flûte tunisien, Hicham Badrani, qui a découvert le Naylute en 2013, et qui en joue depuis, a présenté tout en musique l’instrument.
Corps métallique, embouchure en bois d’ébène ou d’érable, Hicham Badrani a joué du Naylute pour en montrer la fluidité et la clarté du son.
Pour les profanes de musique, le professeur Nabil Abdelmoula a sorti son jeu de Nay afin expliquer et de montrer là où résident les difficultés que peut rencontrer musicien, en concert, pour pouvoir jouer toutes les gammes modales sans s’arrêter.
En somme, tous les présents étaient d’accord sur le fait que le Naylute s’adaptera probablement à une musique plus contemporaine, mais réussira-t-il à détrôner le classique Nay ? Les prochaines années nous le diront.
Photo cover : Pr Hichem Badrani par Hajer Boujemâa