Un cinéaste peut-il creuser le même sillon sans tomber dans le formatage et la répétition ?
On ne peut éviter cette question à la sortie du visionnage du Jeune Ahmed des frères Dardenne.
Présenté à Cannes où les frères belges font partie du cercle fermé des « sélectionnés d’office », le film a encore une fois partagé la critique.
Autant le jeune Ahmed pouvait par moments être attachant avec sa jolie petite bouille et sa fragilité qui semble l’isoler du monde, autant le film nous a paru plier sous le poids des systématismes.
Ahmed est un lycéen de 13 ans qui vit en Belgique dans une famille d’où le père est absent. C’est la mère qui prend tout en charge.
Ahmed est endoctriné par un imam radical. Ce dernier est en conflit avec l’enseignante d’Ahmed car elle se propose d’enseigner la langue arabe dans une forme plus proche du vécu des élèves. Mais selon le zélote cette initiative pédagogique fait partie d’un stratagème pour détourner les enfants de la communauté de l’apprentissage du livre sacré.
Ce qui provoque l’ire de l’imam qui n’arrête pas de vitupérer contre la mécréante.
Impressionné par les vidéos jihadistes que lui distille l’imam, Ahmed va se sentir investi d’une mission d’où rien ni personne ne viendra le détourner : occire la brave enseignante…
Rien n’arrêtera ce jeune héros monomaniaque.
Ni la bienveillance d’un éducateur au centre de rééducation, ni l’intérêt que lui porte une jolie jeune paysanne, ni l’amour d’une maman dévouée…
Le jeune Ahmed évolue dans une sorte d’autisme. A un moment on ne sait plus si l’adolescent est un sectaire convaincu ou si c’est un garçon souffrant de quelques troubles de la personnalité. Rien n’est fait pour nous expliquer l’acharnement dont fait preuve le jeune Ahmed contre son enseignante.
Des pistes pour expliquer cette dérive sont suggérées. De loin. Peut-être que les Dardenne ne voulaient pas jouer aux sociologues. Qu’ils voulaient laisser le spectateur se faire sa propre opinion…
Pourtant, les clichés ne manquent pas. Comme les raccourcis. On pense essentiellement à ces scènes d’ablution répétitives pour signifier le besoin de pureté du petit gars.
Aucune proposition singulière ne viendra troubler cette petite entreprise de réalisme social. Et le film est sauvé par ses comédiens. Justes. Parfaits.
Sur le sujet, il y a eu des œuvres beaucoup plus marquantes. On pense ici au film anglais « Mon fils ce fanatique » de Udayan Prasad sur un scénario de l’écrivain Hanif Kureishi. Ce film sorti en 1997 , nuance ses personnages et évite l’exemplarité des situations…
Dans une posture, qui nous semble, moins définitive…