La ville de Detroit dans le Michigan a vu naître la techno, Francis Ford Coppola et la corridor sausage. Mais l’histoire qui nous intéresse est celle de la maison de disque Motown Records, un label célèbre pour ses artistes et pour sa vision de la musique.
Ville industrielle et bouillonnante, dès 1930 avec l’installation des premières usines, des ghettos se forment dans plusieurs secteurs de Detroit, en particulier dans la partie Est qui est de plus en plus habitée par les Afro-Américains. Des blancs riches et des noirs pauvres, les premières « émeutes raciales » éclateront dans les années 40, prolongeant les querelles qui divisent encore aujourd’hui le pays de l’Oncle Sam. Dans ce contexte clivant, la Motown Records, le label aux couleurs noires et blanches voulait être une histoire de réconciliation. Ce fut en tout cas celle d’un pari réussi, celui d’amener la culture noire américaine au plus profond de cette Amérique blanche et puritaine. Pour que la musique traverse les cœurs sans se soucier de la couleur de peau, cette usine à tubes a une recette : marier des notes de Rythm’and blues, de gospel et de soul à des mélodies plus pop.
Petits moyens, grandes ambitions
L’homme qui se cache derrière le label Motown Records s’appelle Berry Gordy. Après une enfance dans les quartiers ouvriers et donc les quartiers noirs de Detroit, il fera une courte carrière de boxeur avant de raccrocher les gants et de partir pour la guerre de Corée. Berry Gordy avait deux passions, la musique et les femmes. Il décida de réunir les deux et de créer, le 12 janvier 1959 la Motown Records – contraction de « Motor Town », le surnom de sa ville natale. Avec seulement 800 dollars en poches, empruntés à ses proches, il réussit à transformer son garage en local d’enregistrement et sa cuisine en salle de mixage. Le 1er disque du label — qui s’appelle encore Tama Records — est celui de Marv Johnson, qui enchantera (et fera chanter) l’Amérique avec son titre Come to Me.
Le label noir et blanc
La maison de disque Motown Records va donner naissance à une identité sonore et lancera parmi les plus grands artistes de la culture populaire mondiale. Marvin Gaye, les Jackson five, Stevie Wonder, Lionel Richie… Et pourtant... Il faut toujours se méfier des apparences. Artistes peu payés, presque exploités, conditions de travail misérables... les débuts et les dessous de la Motown Records ne sont pas aussi lumineux que son nom. Liaisons, jalousies... la maison de disque fonctionnait comme une véritable famiglia à l’italienne. Marié à Anna Gordy, Marvin Gaye fut par exemple le beau-frère de Berry Gordy, le fondateur la Motown. Quant à Berry Gordy, cet amateur de femmes, il multipliera les liaisons avec les collaboratrices et les artistes et parmi elles : Diana Ross. Et oui, en 1961, Berry Gordy signe The Supremes, et verra tout de suite le potentiel artistique et commercial du trio féminin composé de Florence Ballard, Mary Wilson et Diana Ross. Il faudra attendre 1964 et la sortie de Where Did Our Love Go pour que ses intuitions soient confirmées par la vente en quelques instants de plusieurs millions d’exemplaires du single... 59 ans après, la Motown records continue de nous faire rêver et ses disques de nous accompagner.