C’est au mois d’avril de chaque année, qu’a lieu « El Hiloula », le pèlerinage à la Ghriba de Djerba. Il s’agit d’une fête qui vient clore une période de deuil, elle a lieu 30 jours après la fin de Pesar. Le pèlerinage de la Ghriba est certes un acte religieux, mais également un moment festif à partager.
L’île de Djerba, cette île où il fait bon vivre, a toujours occupé une place significative dans la géographie patrimoniale et mémorielle de la Tunisie. Elle est vantée et célébrée dans toutes les littératures classiques et modernes, du fait de sa renommée historique et de sa diversité culturelle et religieuse.
Diversifiée, l’île l’est aussi par la mémoire des communautés méditerranéennes qui l’ont peuplé et qui la peuplent encore. Par la guerre de course et ses épisodes dramatiques, par la communauté juive, ses synagogues et son haut lieu de culte la Ghriba, par l’Ibadhisme, composante particulière de l’islam historique et doctrinaire qui a marqué la vie culturelle, religieuse et sociale de l’île et de ses habitants.
Cette stratification culturelle est l’aboutissement de siècles de rencontres et d’échanges, qui ont marqué la mémoire de l’île et de ses habitants : tant de métiers et de savoir-faire sont devenus si familiers aux populations locales grâce aux communautés méditerranéennes.
En 1846, Ahmed Bey édifia une stèle de tolérance à la place du tristement célèbre « Borj Errous », qui rappelait le massacre de l’armée espagnole par les ottomans.
La Ghriba de ce fait s’inscrit dans cette logique de tolérance. C’est une institution, un lieu de mémoire qui s’étend au-delà de Djerba et de la Tunisie, ainsi qu’un sanctuaire qui raconte des histoires et des légendes profondément ancrées dans l’imaginaire collectif de la région.
Cependant, à cette diversité attestée correspond souvent une mémoire éclatée, dont les facettes façonnent et identifient chaque groupe. Les diverses communautés gardant jalousement le secret de ses traces et de son héritage malgré les relations d’échanges nécessaires. C’est ce qui a empêché peut-être de construire ou de saisir le patrimoine de l’île dans sa totalité.
Cette mémoire dont les témoins physiques et vivants sont encore visibles dans les lieux, dans la pierre, dans les écritures sacrées et profanes, a besoin d’être ressuscitée afin de mettre en valeur sa propre diversité et les valeurs de voisinage et du vivre ensemble qui ont marqué la vie des gens pendant de longues périodes de paix et d’échange.
Aujourd’hui, malgré les convulsions du monde externe, la ville de Djerba, et particulièrement la Ghriba, aspirent à passer un message de paix, sincère et profond, celui de cette multitude riche de par son humanité.
L’île de Djerba a fait naître des traits d’union et des valeurs plurielles dans ce rapport passionnel et mythique à la mer qu’entretenaient tous les habitants de l’île, mais aussi à l’olivier, l’arbre sacré, à la terre et ses architectures profanes et sacrées et au voyage. Les échanges pacifiques s’inscrivent dans une quête jamais démentie, tant de fois évoquée dans les contes et légendes de l’île ; une culture qui s’exprime tout simplement et de la manière la plus naïve, à travers poissons et mains de Fatma, autant de signes qui racontent le pêcheur et l’orfèvre.