Dans ses grandes lignes, la thèse n’est pas nouvelle.
On le sait, les noces de l’art et de l’argent sont contre-nature. Le second étant sensé pervertir l’essence émancipatrice du premier.
L’industrie culturelle, du moins dans l’analyse qui est faite par la sociologie critique d’Adorno à Bourdieu, n’est qu’une énorme entreprise de marchandisation des œuvres de l’esprit.
Ces théories de l’art aliéné et dévidé de sa substance subversive et qui le réduisent à un simple appareil du spectacle ( comme forme dégradée de la communication) sont au cœur de l’essai de Laurent Cauwet, intitulé « La domestication de l’art. Politique et mécénat ».
Vu la biographie de l’auteur, nous pouvons penser qu’il parle de l’intérieur même de ce qu’il appelle « l’entreprise culture ».
Editeur radical ( il est à la tête les Editions Aldante), Cauwet a fondé un espace culturel, dirigé des manifestations alternatives etc…
Dans « la domestication de l’art », Cauwet défend l’idée que les subventions et l’encadrement par l’Etat du fait culturel n’est au fait qu’une stratégie de mise au pas. La valeur critique portée par les œuvres est, de ce fait évacuée, ou récupérée comme on dit.
La contestation, elle-même faisant partie des règles du jeu. Quant à l’objectif du jeu, il s’agit d’œuvrer au maintien du système qui peut s’exprimer ( ou pas) dans les lignes générales d’une politique culturelle. Cette dernière en multipliant subventions et aides œuvre exclusivement pour le maintien de l’idéologie dominante…
La résistance n’étant plus qu’un label. Label vendeur qui permet aussi de décharger les artistes de toute responsabilité. Comme si les parades avant-gardistes et autres agitations transgressives pouvaient affranchir ces prolétaires asservis par le capital ( c’est ainsi que Cauwet voit les choses) de l’accusation de connivence !
Le constat est cinglant et vieil adage anglais dit que « celui qui paie l’orchestre commande la chanson », et là on en vient aux entreprises mécènes.
En multipliant les incursions dans le monde de l’art, ces dernières ne feraient que continuer, appât du gain en plus, la stratégie d’assujettissement organisée par l’Etat.
Nous ne sommes pas loin de ce que Louis Althusser définit comme des logiques d’appareils…
Comme beaucoup de penseurs d’une gauche à la dérive, Cauwet, virulent et radical, ne cède pourtant pas au pessimisme.
Il place ses espoirs du côté de la multitude, du militantisme associatif, de l’autonomie. Lieux de résistance, loin des vieux modèles partisans…
La poésie qui réinvente le sens des mots et les libère de la pesanteur des discours si elle ne sauvera pas le monde, retrouvera, une fois affranchie du joug des institutions, son souffle
Mais les Rimbaud ne courent pas les rues…
Et que peuvent-ils contre la culture des mass média que certains sociologues n’hésitent pas à considérer comme la première culture réellement démocratique de l’histoire de l’humanité ?