Même s’il affirme dans Come As you Are « No I don’t have a gun », c’est pourtant avec un fusil de chasse qu’il a tiré sa révérence à ce monde qui a déçu ses attentes. C’était le 5 avril 1994.
L’histoire commence le 20 février 1967 dans la ville d’Aberdeen, Washington. Dans cette ville d’Américains moyens rougeots, aimant le foot la bière et le barbecue, mais détestant par-dessus tout les marginaux, dont les homosexuels (l’Amérique dans ce qu’elle a de plus beau et de plus Trumpien) naît Kurt Donald Cobain.
On a beau critiquer les clichés, ce n’est pas pour rien que certains d’entre eux existent. Prenez le dernier Jumanji ou encore le film The Faculty. Kurt Cobain aurait très bien pu en être le personnage principal.
Un père mécanicien, une mère serveuse. On ne peut s’empêcher d’imaginer le premier avec sa chemise à carreaux et ses mains de travailleur et la deuxième dans un Dining miteux à servir des routards en pause devant leur burger (on imagine bien sûr). Pour Wendy, sa mère, le petit Kurt souffrait de TDAH, un Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Pour lui c’est avec, du moins au début.
En 1975, ses parents, Wendy et Donald divorcent. Cette rupture participera à briser un peu plus le jeune Kurt Cobain déjà fragilisé. En 1993, l’icône du grunge et de l’anticonformisme se livre dans une interview « J’ai eu honte, honte de mes parents, je voulais désespérément avoir une famille classique (…). J’avais besoin de sécurité ». Au fond, tout cri de rébellion ne cache au final qu’un besoin violent de normalité...
Revenons-en au trouble de Cobain. Le TDAH brasse avec lui une série de joyeusetés : « échec scolaire, esprit artistique, créativité, hyper sensibilité, intelligence, asociabilité, addiction aux drogues, manque d’estime de soi-même causé par un rejet social ». Kurt Cobain coche toutes les cases, et plus encore.
Au lycée, celui qui déteste le sport se liera d’amitié avec un homosexuel, devenant ainsi une cible facile pour des adolescents jamais avares en matière de cruauté. Avec une mère alcoolique qui a préféré la gnole à son fils, un père qui a refait sa vie avec une autre femme et qui a donc refilé un Kurt Cobain décevant à ses yeux à d’autres membres de la famille, la vie du chanteur n’était qu’une poudrière qui n’avait besoin que d’une allumette.
Cette allumette s’appelle l’héroïne, à laquelle il s’accrochera dès l’âge de 12 ans. L’homme aux cheveux d’or, anti-héro à l’étoffe d’une étoile trouvera son salut dans sa musique, la seule chose qui l’a empêché de sombrer jusqu’à se noyer. Du moins jusqu’à l’heure de gloire. Kurt Cobain vivra très mal le succès de « Nevermind », son deuxième album sorti en 1991. La notoriété a étouffé ce génie qui voulait simplement que ses chansons soient entendues pour leur message et que ses musiques soient écoutées pour leurs mélodies. Mais la célébrité est la rançon de la gloire...
Dans la musique de Kurt Cobain, on trouve une authenticité des sentiments qui parlent à des générations entières en manque de vrai. Son sens de l’humour et son charisme irrésistiblement attirant que l’on peut voir dans l’émission MTV Unplugged New York sont loin, mais très loin de l’esprit torturé, du tumulte intérieur et de la dépression - tous ces maux qui rongeaient ce grand artiste de l’intérieur.
Le 5 avril 1994, il rejoindra le très select club des 27 aux côtés des plus grands comme Jimi Hendrix, Amy Winehouse, Janis Joplin et Robert Johnson... Et peut-être que celui qui a tant chanté le mot « Happy » y a enfin trouvé son Nirvana...