Avril 1979, quatre mélomanes mancuniens sont entrés dans les studios de Factory Record. Une semaine plus tard, naissait une œuvre majeure qui chamboulera et radicalisera la scène Rock des eighties à jamais. Sombre et morose, Unknwon Pleasures, le premier album des Joy Division est sorti le 15 Juin 1979. Le mouvement punk, essoufflé en pleine émergence, lui dut sa résurrection et le mouvement post-punk sa genèse.
Joy Division: portrait d’un groupe mythique.
Comment commémorer un tel album sans retracer le parcours de ses célèbres protagonistes?
Tout a commencé à Manchester, été 1976, au gré d’un concert des Sex Pistols. Un guitariste Bernard Albercht et un bassiste Peter Hook eurent l’idée de former un groupe. Même époque, un peu plus loin vers le sud de Manchester, un jeune prolétaire menait une vie monotone et passait son temps à «pousser ce chariot avec ces machines en cotons dedans» comme il le dira lui-même. Il s’agissait évidemment de l’icône du groupe Ian Curtis qui, accompagné du batteur Steve Morris, viendra assouvir le désir du duo. Ainsi le groupe se constitua et prit Joy Division comme nom en référence à une division de prostitués dans les camps Nazis.
Plus puissante que tout instrument et encore plus percutante que l’érudition, c’est la passion enfiévrée de ces jeunes qui fascine le plus. Porté par une énergie brute et un désir irrépressible de s’exprimer, le quadruplet, totalement autodidacte, s’unit dans un garage pour déballer émotions, sentiments et pensées. Surprenant pour ceux qui l’ignore que de se dire que les prouesses légendaires de Joy Division ne devaient rien à la technique. «Pete Joue ta note là, Mi, ouais c’est ça, celle qui est super grave, ça sonne trop bien. Et toi Steve fais ta batterie, celle qui sonne comme un rythme de la jungle», criait Ian Curtis.
Unknown Pleasures, âmes sensibles s’abstenir.
Aussi effrayant que fascinant, ténébreux et facilement repoussant au premier abord, ce n’est définitivement pas une œuvre qui s’appréhende mais qui se sent. Le retrait autistique de chaque membre jouant à son gré perturbe autant que ce rock belliqueux usant de structures simplistes, quasi-binaires et décomposé en un jeu délibérément syncopé.
Dès les premières minutes de Disorder, on écoute les sons des instruments qui s’écrasent contre les murs d’un tunnel à l’image d’une musique qui cherche vainement à se libérer et à franchir les murs. Opprimée et dépressive, elle erre dans le monde halluciné et asphyxiant de ses instrumentalistes. Arrive alors la voix d’outre-tombe affolée de Ian Curtis pour nous entraîner dans les méandres de son univers épileptique. La poésie sombre et tourmentée de Ian aura donné le coup de grâce au minimalisme et à la froideur de la New Wave.
L’album reflète grossièrement l’ambiance nuageuse d’un «Madchester» post-industriel (devenu par la suite un genre musical à proprement parler avec notamment New Order). Partant de la base New Wave, les Joy Division ont détruit pour construire la Cold Wave. Grâce à eux, la capitale musicale anglaise emménagea à Manchester.
Ian Curtis se donna la mort un 18 mai 1980, la veille de la tournée américaine du groupe. Cette fin tragique ne fit qu’accroître la dimension légendaire des Joy Division qui poursuivront sous le nom de New Order, grands précurseurs de la Techno.