Omerta ou la loi du silence, un mot italien, précisément sicilien. Un jargon étymologiquement mafieux avec un champ sémantique qui s’élargit à tous les sens du corporatisme, de l’intérêt commun qui lie les membres d’une même organisation. Parlez à un étranger ou à la police et vous entraînerez dans votre chute tous les vôtres. Taisez-vous et vous gagnerez à être protégé ou du moins à ce que votre famille le soit si vous allez en prison. Telle était la devise de la Cosa Nostra.
De même, si vous appartenez à une corporation, un domaine précis, ne parlez jamais de ce qui ne va pas, de ce qui cloche, de ce qui semble contraire à l’éthique. Ne dénoncez rien ni personne pour évoluer, continuer d’exister.
Dénoncer, revient à se mettre à dos des personnes puissantes ainsi que toutes celles qui gravitent autour.
En réalité, on parle d’Omerta en dehors des mafias siciliennes, à chaque fois que les membres d’un groupe ou d’une corporation ont intérêt à se taire.
C’est ce comportement que l’on retrouve aussi chez certaines personnes liées à l’affaire du moment, l’affaire Harvey Weinstein, patron de Miramax. Depuis que Le New York Times a dévoilé ses pratiques de harcèlement et de violence à l’égard des femmes, des actrices, il pleut des témoignages. Des témoignages de victimes qui avaient peur de parler de peur de se retrouver isolées et des témoignages de personnes qui, comme Quentin Tarantino, se doutaient de ce qui se passait, mais ont préféré garder le silence… Omerta oblige.
Tarantino a admis avoir été au courant des pratiques du producteur. Il a même avoué regretter son silence, silence qui aurait pu lui coûter sa carrière, son succès. Weinstein étant le producteur de ses meilleurs films (Pulp fiction, Kill Bill, Inglorious bastards).
Une déclaration, ensuite deux, Rose Mc Gowen, Ashley Judd et d’autres ont parlé. Au départ, elles avaient peur de ne pas être crues. Ensuite, le mur du silence a fondu comme de la glace.
Le malaise a laissé place à la peur, mais cette fois, la peur a changé de camp.
Ce ne sont plus les victimes qui tremblent, mais les bourreaux et leurs complices. Complices dans l’acte ou par le silence.
Depuis, des campagnes ont vu le jour un peu partout dans le monde, pour parler et inciter à parler : « Balance ton porc », « Me too » « Ena zeda » et les réseaux sociaux ainsi que les sites web ont été submergés par les témoignages.
Marilyn Manson, le chanteur de rock a décidé de mettre à la porte son guitariste Jeordie White, alias Twiggy Ramirez, parce qu’accusé de viol.
La copine de ce dernier a rejoint le mouvement des dénonciateurs d’abus et a accusé le guitariste de l’avoir violée, dans les années 80.
Le groupe de presse Condé Nast (Vogue, Vanity Fair…) a décidé d’évincer le photographe Terry Richardson, suspendant toute collaboration avec lui, même celles qui étaient en cours.
Kevin Spacey, alias Frank Underwood pour les fans de House of Cards, s’est retrouvé pointé du doigt par Anthony Rapp pour abus sur mineur. La star invoque l’oubli, l’ébriété, s’excuse du bout des lèvres et fait son coming-out, chose qui étonne et provoque davantage de commentaires. La série quant à elle est arrêtée, même si on ne sait pas si la raison qui a poussé Netflix à l’arrêter est reliée à l’affaire.
La boule de neige grossit, des milliers de femmes, à travers le monde parlent, obligeant les uns et les autres à réagir. Hollywood est bouleversé, mais pas que. Le monde du cinéma et celui de l’entreprise en général sont touchés.
Une image plus ou moins réaliste de ce que subissent les femmes au quotidien se dessine et même si l’on savait pour ces violences feignant de ne pas les voir, le tableau peint est exposé à tous grâce aux réseaux sociaux.
Les réactions expriment le malaise ressenti, dans les milieux du showbiz notamment, on licencie, on suspend, on s’excuse, on publie des communiqués. L’outing se poursuit, et la vague ne s’arrêtera certainement pas ici. Par contre le retour de la manivelle risque de surprendre, le temps que le monde du cinéma reprenne ses esprits, il cherchera à se défendre, à se protéger… just wait and see ! Mais, nul ne contestera que désormais, il n’y a plus omerta sur les violences.