Quel est le point commun entre une princesse arabe qui répond au prénom de Fatima et trois petits bergers ayant vécu au début du 20e siècle dans un village au centre du Portugal ?
La réponse est assez complexe. Pour la cerner, il faut remonter l’histoire jusqu’au XI/XIIe siècles quand les chrétiens ont entrepris la reconquête d’une partie de la péninsule ibérique, alors sous le pouvoir des Omeyyades.
Qui est Fatima ?
Dans l’imaginaire collectif, Fatima, une princesse arabe, fut capturée à l’époque de la Reconquista par le comte d’Ourem. Elle épousa ce dernier après s’être convertie à la religion catholique. On dit que pour lui rendre hommage, un village fut baptisé à son nom. Elle y dispose même d’un sanctuaire. Mythe ou histoire véridique ? Telle est la question.
En réalité, le prénom « Fatima » était répandu au sud du Portugal où résidait une communauté morisque qui, faute de moyens, n’a pas suivi le mouvement de migration des autres Morisques vers l’Afrique du Nord au lendemain de la reconquête en 1492. Cette communauté néo-chrétienne a ensuite migré en direction du nord lusitanien.
Le village de Fatima se trouve au centre du pays, où, au début du XXe siècle, résidait une communauté pastorale éparse. On suppose qu’une habitation appartenant à une certaine Fatima a donné son nom à l’aire qui l’entoure et plus tard par extension à toute la localité. La coutume voulant que, quand les maris décèdent, on appelle leur maison du nom de leurs veuves.
Apparitions ésotériques ou politiques ?
La notoriété de ce lieu vient du fait que la vierge Marie apparût six fois à trois petits bergers entre le mois de mai et celui d’octobre 1917. Des apparitions admises comme authentiques par l’église en 1930, donnant ainsi naissance à Notre Dame de Fatima.
La première de ces apparitions date du 13 mai quand la vierge montra aux enfants une vision de l’enfer, leur promettant qu’ils iraient au ciel. Elle leur livra aussi 3 secrets prémonitoires. Après avoir été considérés comme des perturbateurs de l’ordre, les enfants sont crus par tous et leur village devint un lieu où des miracles se produisent occasionnellement. Deux d’entre eux sont morts jeunes d’une pneumonie en 1919/1920.
Apparitions et prémonitions de l’au-delà ? Nul ne le sait, mais n’en déplaise aux fans d’ésotérisme, le message de la vierge s’insérait parfaitement dans le contexte politique de l’époque. Apparue au milieu de la Première Guerre mondiale, la vierge signifia aux enfants que prières et sacrifices étaient requis pour que paix soit instaurée. Elle réclama aussi la consécration de la Russie. Une Russie où la révolution bolchevique a destitué le Tsar en 1917, abattant les symboles monarchistes et religieux au profit d’un athéisme émergeant.
Le Portugal quant à lui vivait une montée du communisme et une lutte contre l’église associée à la monarchie qui céda la place à la République laïque en 1910.
Canonisation
Le 13 mai 2017, devant des pèlerins qui pour l’occasion ont afflué par centaines de milliers au sanctuaire, le pape François déclare que désormais les deux bergers, Francisco et Jacinta Marto sont élevés au rang de Saints. Leur cousine Lucia Dos Santos, devenue religieuse et qui a vécu longtemps après eux sera béatifiée.
Fatima, lieu de reconversion au christianisme, de miracle ou alors juste un outil de réaction contre des courants politiques irréligieux, la question se pose, mais une réponse s’impose : ce prénom on ne peut plus arabe et musulman s’est propagé pieusement à travers l’occident où l’on compte actuellement des milliers de Fatima…
Misk remercie le professeur Claudio Torres et madame Manuela Barros Ferreira du Campo arqueológico de Mértola pour les informations contenues dans cet article.
