Le Châabi, cette musique issue du fond classique andalou, a nourri la culture populaire des habitants de la Casbah d’Alger et constitue aujourd’hui un héritage culturel qui fait partie intégrante du patrimoine du pays. Née dans les tréfonds d’Alger, elle a été bercée par les communautés musulmane et juive qui cohabitaient à l’époque.

Al Anka, le père du Châabi

El Hadj Mohamed El Anka, un grand maître de la chanson Châabi algérienne a commencé sa carrière par l’animation de fêtes familiales, et a fini par enregistrer près de 130 disques et par trôner sur le genre Châabi dans le pays. Il a su introduire un souffle nouveau dans ce genre musical, en personnifiant les poèmes des chansons, mais aussi dans son interprétation des mélodies auxquelles il a intégré une légèreté et une fraîcheur assez étrangères à cette musique plutôt connue pour son côté monovocal, la modernisant et la mettant au goût du jour.

Le grand maître a assuré la formation de toute une génération de musiciens au conservatoire municipal d’Alger, qui sont devenus Cheikhs à leur tour et ont fini par prendre la relève sur la scène Châabi algérienne. Les cours se faisaient dans la cave du conservatoire, le Châabi n’étant qu’une musique populaire qui n’avait pas sa place parmi les autres musiques.

El Gusto…

Une cinquantaine d’années plus tard, grâce à la volonté de Safinez Bousbia, ces musiciens, anciens élèves d’El Anka, séparés par les événements historiques qu’a traversé l’Algérie ont été réunis. Ainsi est né El Gusto. Une tournée internationale, un film documentaire qui retrace leur histoire et une remise sur le devant de la scène s’en sont suivis, au grand bonheur des amateurs de cette musique.

Cette aventure a commencé par des retrouvailles, des émotions à leur paroxysme, et s’est poursuivie avec une véritable renaissance, un film et une série de concerts dans les quatre coins du monde pour une quarantaine de musiciens, le tout concocté par les soins de Safinez Bousbia.

Architecte de formation, elle a tout plaqué et s’est entièrement consacrée à la réalisation de ce rêve : rassembler ces amis que l’amour de la musique a réunis et que la vie a séparés. Elle a tout assuré, s’improvisant tour à tour productrice, manager, attaché de presse...

Toutes les difficultés et tous les obstacles se sont évanouis et évaporés une fois le projet El Gusto mis sur pied. Les étincelles que Safinez a perçues dans les yeux des musiciens, les mots de gratitude et de reconnaissance qu’ils ont formulés, le succès qu’ont rencontré le film et les concerts ont fait oublier tous les tracas au cours de la réalisation du projet. Retrouver la trace de ces musiciens, les réunir, trouver les financements, assurer les répétitions qui ont duré près d’une année et demie, réussir à gérer les caractères de tout le monde, tel était l’exploit réalisé par Safinez.

Le film est sorti en 2012 et a rencontré un franc succès auprès du public. Une série de concerts a amené le groupe en tournée à travers le monde. Outre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie où ils se sont produits dans le cadre du festival international de Hammamet en 2016, les membres d’El Gusto ont chanté en France, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, et même aux États Unis !