Colère, tristesse et frustration composent le cocktail particulier qui a façonné la carrière d’Eunice Kathleen Waymon, alias Nina Simone, la chanteuse qui voulait mener la musique noire au-delà des clichés et dont la voix fascine autant que la personnalité.
Le 21 avril 2003, il y a 14 ans , Nina Simone s’éteint dans sa demeure du sud de la France, et emporte avec elle son rêve de petite fille : devenir la première concertiste classique noire des États-Unis. Un rêve qui l’a accompagnée pendant toute sa vie, mais la diva est partie inconsolée.
La vie a été plutôt dure avec la jeune Nina qui a connu la pauvreté, la haine et les préjugés les plus extrêmes, mais cette vie a fini par montrer un peu de reconnaissance à la petite fille qui s’est entraînée à jouer du piano pendant des heures, tous les samedis, des années durant, sans rechigner, sans protester ni fatiguer. La jeune femme dont les parents sont des descendants d’esclaves a eu sa revanche et a connu la notoriété, l’argent et une reconnaissance à l’échelle internationale. Même le Curtis Institute de Philadelphie qui lui avait refusé l’admission en 1950, lui a accordé un diplôme honorifique peu avant son décès. Mais est-ce suffisant pour effacer les cicatrices laissées chez la diva ?
Nina Simone est une femme qui a fait de ses blessures des ressorts, la douleur et les souffrances ont sûrement fait de sa carrière ce qu’elle a été, elles l’ont imprégnée… la souffrance n’est-elle pas la source même de la création ?
Nina aurait-elle été la même sans toutes ces peines qui se sont exprimées dans ses chansons et ses interprétations… rien n’est moins sûr !
Nina Simone a été confrontée à la ségrégation raciale très tôt, elle avait 12 ans lorsque des Blancs ont invité ses parents à quitter la salle où elle donnait son tout premier concert public, la laissant dans l’incompréhension totale. Ce n’est qu’après l’intervention de la petite fille rebelle qu’elle était déjà que les parents ont été autorisés à assister au concert.
La lutte contre les ségrégations raciales a été au cœur de la carrière de Nina, une femme aux opinions tranchées sur les questions sociales, raciales et politiques qui secouaient son époque, berceau d’une révolution des mentalités. Artiste engagée, elle a vu certaines de ces chansons anti racistes se faire censurer dans les années 60.
Nina Simone n’a pas passé toute sa vie aux USA, terre de ses ancêtres. Sa route a traversé plusieurs pays comme le Libéria où elle a séjourné pendant quatre années, mais aussi les Pays-Bas et même la Tunisie dans les années 90 où elle aurait vécu une histoire d'amour avec un jeune Tunisien, pour finir ses jours en France, à Carry-le-Rouet, près de Marseille.
Du piano au chant ...
Ses premiers pas dans le monde de la musique se sont fait à travers le piano qu’elle a commencé à jouer très jeune, dès l’âge de 3 ans ; son don de l’oreille absolue lui permettait de rejouer des morceaux qu’elle écoutait. Grâce au soutien de Mrs Miller, employeur de sa maman qui a remarqué son talent et y a cru, Nina a pu suivre des cours de piano, financés notamment par les fonds que cette dernière a récoltés pour elle.
Le chant ne viendra que beaucoup plus tard, dans un bar d’Atlantic City, où la jeune Nina n’avait pas eu le choix : si elle voulait se faire de l’argent pour payer ses cours de piano, elle ne devait pas se contenter de jouer, elle devait chanter… c’est ainsi que tout avait commencé avec une reprise d’un grand classique, « I love you Porgy ».
Dans ce bar d’Atlantic City témoin de ses débuts en tant que chanteuse, la jeune Eunice Kathleen Waymon se fait appeler Nina Simone, de peur que ses parents, très religieux, apprennent que leur fille chante « la musique du diable » ! Nina comme niña (petite fille en espagnol), un surnom qu’un amoureux proche de son cœur lui avait donné, et Simone, comme Simone Signoret.
Diva un jour… diva toujours!
Quatorze années après son départ, écouter Nina Simone, procure toujours le même plaisir ! l’écouter, c’est être chamboulé, bouleversé. Sa voix, d’une rare sincérité, chatouille les cœurs et va chercher ce qu’il y a de plus profond en nous, elle nous hypnotise et nous apaise ou nous révolte. Nina Simone fait partie des chanteurs qui nous font oublier ce qui nous entoure, nous embarquent dans leur monde, en eux. On a l’impression qu’elle chante rien que pour nous, qu’elle se confie, qu’elle nous murmure à l’oreille ses secrets, ses joies, ses peines et ses colères ne nous épargnant rien. Elle nous transmet, nous crache tout sans nous ménager et on reçoit cet amas de sensations en plein dans la figure, et qu’est ce qu’on aime ça !