Le grand photographe et cinéaste Robert Frank est mort dans sa retraite canadienne la semaine dernière.
Dans le sillage de sa disparition, surgissent des noms d’autres artistes, qui furent ses amis, et qui ont marqué de leur génie le 20ème siècle.
Jack Kerouac, Les Rolling Stones, Gregory Corso, Bob Dylan, Allen Ginsberg, John Cassavetes, William Burroughs ou Walker Evans...
Et la liste des représentants est encore longue d’un mouvement artistique qui s’est développé dans les marges de l’industrie et main stream américains. J’ai nommé la Beat Generation…
Zurichois, Robert Frank a confectionné son premier livre de photographies intitulé « 40 photos » en 1946.
Il quitte ensuite la Suisse pour les Etats unis. Il fait un apprentissage en tant que photographe de mode. Milieu qu’il quitte parce qu’il le juge malhonnête. Il travaille entre autres pour Vogue et Life…
Il part ensuite sur les routes et parcourt pendant trois ans l’Amérique d’Est en Ouest.
De ce périple, il tire 27000 négatifs et près de 760 rouleaux dont il sélectionne uniquement 83 photos en noir et blanc pour composer un des chefs d’œuvre absolus de la photographie moderne. The Americans, sort à Paris en 1958 puis deux ans plus tard aux states.
L’œuvre choque et dérange. Ni commercial, ni informative, elle est documentaire. Elle introduit fortement une vision subjective. Ouvre la cadre sur le hors champ et suggère fortement des récits.
Le livre est jugée trop sombre. On essaie d’atténuer l’impact des images de ces américains restés sur les bas-côtés du rêve des pionniers. Tous les « exclus » que Robert Frank aime photographier. Silhouettes brisées, incertaines et floutées sous l’emprise du mouvement, de la célérité, et de la froideur d’une société obnubilée par l’argent…
C’est Jack Kerouac, prince beatnik, clochard céleste et auteur de « Sur la route », l’œuvre de vagabondage la plus célèbre du 20ème siècle, qui a écrit la préface d’une des éditions de « The Americans ».
Le destin artistique de Frank va être lié aux Beatniks...
Frank passe ensuite au cinéma. Son premier film “Pull my Daisy” est produit en 1959. Le scénario se base sur un fragment d'une pièce inachevée de Jack Kerouac écrite d’après une anecdote rapportée par Neal Cassady.
C’est une œuvre qui va ouvrir la voix au cinéma de l’underground new yorkais.
Le récit décousu, la merveilleuse récitation de Kerouac, les compositions jazzy très libres de David Amram, et le montage très lâche, font de ce film d’une trentaine de minutes une œuvre à part.
Qui ne raconte rien au fait. Sinon l’arrivée d’un évêque dans une famille qui accueille, en même temps, des amis bohémiens…
Robert Frank a réalisé un documentaire sur les Rolling Stones dont ils ont interdit l’exploitation, il a aussi fait les photos de l’album exile on main street, comme il a réalisé en 1996 le clip de Summer Cannibals de la poétesse Rock Patti Smith…
Une de ses œuvres les plus marquantes de Robert Frank restera « Conversations in Vermont », où il confronte ses deux enfants à des photographies de leur enfance. Deux enfants qu’il finira par perdre dans des circonstances tragiques.
Cette perte va marquer cet homme, difficile d’abord et taciturne qui va tout abandonner pour aller vivre en Nouvelle-Ecosse au Canada.
Frank disait que pour un photographe : « L’important c’est de voir ce qui est invisible pour les autres »…il nous aura aidé à découvrir l’humanité qui éclaire les moments les plus anodins du quotidien…