Cinq ans après la parution du roman de Collette Felous « Pour Dalida », où l’écrivaine rend hommage à sa mère, sort le film de Lisa Azuelos « Dalida » réalisé pour les 30 ans de la disparition de l’inoubliable interprète de Gigi l’amoroso.
L’ombre d’Orlando
Pour raconter la vie de la diva italo-égyptienne Dalida, la réalisatrice du film, Lisa Azuelos, s’est vue guider par le célèbre frère de la chanteuse, Orlando. Contrainte ou chance ? Personne ne saurait dire non à Orlando de toutes les manières, surtout quand il s’agit de sa sœur et de sa carrière, même à titre posthume. Cette mainmise pourrait laisser penser à une coréalisation plus qu’à une simple collaboration. Dans une interview accordée à France 2, le producteur a assuré ne s’être intéressé qu’à la colonne vertébrale du film et que le reste devait être l’œuvre de ses auteurs, en qui il disait avoir placé toute sa confiance. Toujours est-il que sans la colonne, le corps ne serait pas ce qu’il est et sans la version des faits d’Orlando, le film de Lisa Azuelos aurait stagné dans la platitude biographique, sans les couleurs de l’authenticité. Si rien ne contredit ce que relate « Dalida », que le journal intime de la chanteuse a servi de matériau narratif, le choix de développer ou au contraire évincer tel ou tel aspect de sa vie, à l’instar de l’épisode Luigi, déterminant dans la destinée de la diva, est laissé au bon vouloir d’Orlando, choix rendu légitime par la loi des liens de sang.
Les exploits du film
Fidèle ou infidèle, le biopic n’en demeure pas moins un bel hommage. Le portrait que dresse Azuelos reflète la personnalité complexe de Dalida. Sans vouloir spoiler quiconque, on pense aux scènes où elle est montrée, en train de lire une pointure de la philosophie, lecture suggérée par les pillow talks avec son impétueux Luigi. De même qu’en dehors de ses exploits de chanteuse avec une carrière à l’échelle internationale, sa reconversion dans le cinéma à la fin de sa vie nous est racontée avec une telle poétisation qu’il serait injuste de ne pas en déceler le sublime. Autre réussite, le jeu du premier rôle, l’actrice Sveva Alviti, mannequin à ses débuts, Italienne ne parlant que très peu le français jusqu’à ce que la réalisatrice lui confie le rôle de Dalida. En six mois, Sveva s’est montrée, à l’instar de la figure qu’elle incarne, on ne peut plus apte à apprendre la langue, le chant, et à maîtriser son jeu d’acteur. La ressemblance physique est encore plus déconcertante, ressemblance qui relève aussi de la gestuelle et de la mimique. Outre le jeu de Sveva, les « beaux » plans sont nombreux dans le film, le jeu sur les miroirs est quasi envoûtant dans une scène où on voit Dalida dans son boudoir, face à la confusion qu’entraîne une demande en mariage tardive. La fameuse scène du suicide est filmée sans chichi, sans dramatisation, comme l’œuvre d’un rêve. D’ailleurs c’est à un rêve que la chanteuse compare la mort lors d’une conversation avec un enfant sur le tournage du Sixième Jour.
« Dalida » est un film émotionnellement engageant, mais il tire moins son effet dramatique de sa poétique que de la vie même de Dalida, une femme qui a obtenu le succès en conséquence à son assiduité et son talent et le malheur comme rançon de cette réussite exemplaire. Ces nombreuses infortunes que l’on peine à contenir en tant que fan ou spectateur, empiètent toutefois sur la qualité du film. L’œuvre cinématographique est très vite dépassée par la vie de l’artiste, existence jalonnée et parcourue de drames jusqu’à l’excès. Qu’aurait pu y faire Azuelos ? Rien, et ça, la réalisatrice a eu justement l’intelligence de le comprendre.