Passés la conversion végétalienne des grands carnivores, les hommages au tigre de l’amour menacé d’extinction et les kyrielles antipathiques de Greta Thunberg, la place d’honneur est dorénavant réservée à ce petit virus qui doit s’étonner lui-même de l’engouement qu’il suscite.
Ce qui ressemblait de prime abord à un scénario de science-fiction complètement foireux prend jour après jour l’allure d’une catastrophe bio-terroriste tout aussi inélégante qu’anxiogène tout en s’affirmant paradoxalement dans sa bénignité. Pour Lars Von Trier, à une époque pas si lointaine, des faits avoisinants avaient inspiré le très lugubre ‘’Epidemic’’ dont il fit une anecdote allégorique de la propagation virale du capitalisme. Encore une bonne idée déjà eue, déjà employée … On ne s’en sort décidément pas.
L’épidémie, en guise de métaphore, est d’ailleurs bien récurrente dans les arts et la littérature ; elle sous-entendait la violence sociale contagieuse dans Œdipe roi de Sophocle et la corruption des politiques dans les Animaux malades de la peste de La Fontaine. Pour Gabriel Marcia Marquez, qui, comme il le reconnut lui-même, « a toujours aimé les épidémies », le Choléra sera plutôt propice aux passions dévorantes, aussi pernicieuses que le plus méchant des microbes.
Intéressant de voir que l’usage de cette thématique ne soit jamais hasardeux et qu’il vise à chaque fois à dénoncer un grand travers des sociétés de l’époque ; un travers bien répandu et bien grave tel qu’il rime avec la destruction de celle-ci. Comme si une civilisation porteuse d’un tel mal devait systématiquement périr si ce mal venait à atteindre l’acmé de son expression.
C’est loin d’être marrant mais ça vaut tout de même le coup d’y réfléchir non ? Homosapiens, nul besoin d’être un grand génie pour dire que nous sommes une menace pour notre propre survie.
Enfin, ces redondances historiques ridicules bien sûr, mais amusantes font bien marrer de temps en temps. Histoire, disait-on donc ! Et bien figurez-vous qu’au 15ème siècle lorsque la Syphilis éclata en Europe, on ne parvenait pas à s’entendre sur le nom à donner au fléau : c’était le mal allemand pour les polonais, le mal polonais pour les russes ou le castillan pour les Portugais. Pour les peuples de l’époque, loin d’avoir notre maturité et notre sagesse, le mal devait forcément venir de l’autre, souillé par ses fantaisies alimentaires et autres extravagances socio-religieuses et sexuelles.
Si la sexualité de l’autre, forcément plus débauchée que la nôtre, a mis des pustules sur les visages de l’ennemi dans les représentations picturales du 15ème siècle, on est bien curieux de voir comment nos talents vont peindre les bouffeurs de chauves-souris.