Au vu du dispositif de départ on aurait pu craindre le pire pour « C’est ça l’amour » de Claire Burger.
Ce film sorti au printemps en France, allait-il être une énième variation naturaliste sur le thème de la misère sociale et psychologique en milieu urbain ?
Passé la mise en place, le charme et la douceur opèrent. Et de quelle manière…
Il s’agit bien de naturalisme. Mais il n’y a jamais de glissement vers le pathos, vers cette distance qui finit par être péremptoire.
A chaque fois, les personnages sont sauvés par leur…humanité.
A ce niveau, c’est une véritable leçon de justesse.
Un art subtil du dosage où la sobriété, n’est jamais pauvreté et où la tristesse n’est jamais morbidité.
La rigueur de la mise en scène n’est jamais solennelle quand il s’agit de raconter l’histoire de ce père plaquée par sa femme et qui reste en plan avec son chagrin et ses deux filles adolescentes et au caractère bien trempé.
Mario est fonctionnaire à la sous-préfecture à Forbach. Il est en prise avec le désarroi humain. Et nous comprenons que cette état des choses le révolte mais qu’il n’ y peut rien. A part ses coups de gueule contre le système qui lui valent d’ailleurs d’être tancé par sa supérieure.
Quand sa femme le quitte, Mario va être aspiré par le vide. Il n’en revient pas. Il ne trouve plus sa place. On le voit d’ailleurs troquer le lit conjugal pour le divan du salon.
Fragilisé, Mario fait tout pour rester à flots. Il essaie vainement de convaincre sa femme de revenir.
Comme il essaie d’être un bon père pour ses deux filles. Les aimer, confesse-t-il, étant sa seule raison de vivre.
Mais chacun de ces trois personnages va vivre la séparation à sa manière. Car l’absence de la mère a rompu un équilibre qui semblait immuable et il s’agit maintenant d’en établir un nouveau.
Baignant dans un environnement culturel, qui est présenté comme un espace de ludisme et de liberté, Mario rejoint le projet théâtral Atlas. Pièce de théâtre qui tourne dans le monde entier. Dans chaque ville, on retient une centaine d’habitants et chacun doit dire quelque chose qui parle de lui.
Cette ligne narrative va permettre de suivre le chemin résilient de Mario qui passe de la difficulté de verbaliser, à la confession intime, à la poésie pour enfin dire le présent dans ce qu’il a de plus merveilleux…
Ce second long métrage, inspiré de la séparation de ses propres parents, vient confirmer le talent de la réalisatrice Claire Burger qui avait reçu la caméra d’Or à Cannes pour « Party Girl » en 2014.
« C’est ça l’amour », donne aussi toute sa place à l’excellente prestation de Bouli Lanners séduisant de pudeur et de sensibilité.
« C’est ça l’amour », nous concilie avec un certain cinéma naturaliste…un cinéma qui s’est fourvoyé, on le pensait, du côté de la contestation « chic »…
Mais il n’en est rien. Ce très beau film en est la preuve…