“Vous pouvez vous habiller jusqu’aux nichons dans du satin blanc, mettre des gardénias dans vos cheveux sans voir une canne à sucre à l’horizon, et cependant vous sentir comme une esclave dans une plantation”. Billie Holiday.
Quand on commence à s'intéresser aux grands noms de la scène du jazz à travers l’histoire, et qu’on essaye de voir les femmes et les hommes qui se cachent derrière les stars qu’on connaît, les vies qu’ils ont, leurs histoires et leur vécu, on trouve beaucoup de points en commun. On a l'impression que toutes ces histoires sont baignées par des flots torrentiels de peines et de souffrances et ont en commun la couleur de l’encre avec laquelle elles ont été écrites, d’une noirceur intense.
De Nina Simone à Ella Fitzerald en passant par Billie Holiday, la donne est la même : elles sont afro-américaines, elles viennent d’un milieu défavorisé, elles ont subi les injustices d’une société en mal d’identité, qui se cherche et a du mal à se trouver.
Racisme, misogynie, pauvreté, tout ce qui les a transformées en de véritables militantes de droits civiques avant d’être reconnues comme de grandes artistes.
Billie Holiday ne fait pas exception à la règle. Celle qui est considérée comme une des plus grandes voix de l’histoire du jazz a une histoire jalonnée de difficultés et de peines. Sa vie est une succession de combats : combat contre sa condition quand elle s’est retrouvée seule à affronter la vie nocturne new-yorkaise pendant que sa mère travaillait dans une maison close, combat pour apprendre la musique seule, et commencer une carrière, se faire connaître, combat pour essayer de s’imposer malgré tous les actes de racisme auxquels elle fait face, quand à plusieurs reprises elle se voit refuser l’accès à la scène par un public qui ne comprend pas comment une chanteuse noire peut avoir sa place dans un orchestre composé de blancs. Durant tous ces combats, elle a perdu bien des rounds, mais a réussi à se relever à chaque fois, peut-être pas plus forte, mais sûrement marquée, blessée et meurtrie. Ce n’est pas un hasard que la dépression n’a pas tardé à pointer le bout de son nez, s’en sont suivis tout ce que Billie Holiday a pu faire pour essayer de l’affronter, de résister : un cocktail fait de drogues et d’alcool à profusion, et c’est d’ailleurs contre ce fameux cocktail qui va s'avérer plus dévastateur que salvateur, qu’elle va perdre son tout dernier combat. Drogue et alcool vont finir par la mettre KO et l’emporter à tout jamais un certain 17 juillet 1959.
Tout cela n’a pas empêché, ou peut-être devrions-nous dire : tout cela a permis à Billie Holiday de nous offrir quelques-uns des meilleurs disques de jazz de tous les temps. Des chansons, chantées, reprises et interprétées jusqu’à aujourd’hui et qui comptent parmi les grands standards de jazz.
Sa voix et sa diction sont très particulières et dégagent émotion et mélancolie à chaque syllabe prononcée et malgré des ressources vocales plutôt limitées, un timbre jugé froid et une façon de prononcer assez particulière, elle parvient à émouvoir et à dégager beaucoup de sensibilité.
Le répertoire de celle qu’on surnomme Lady Day est très riche, avec pas moins d’une douzaine d’albums studio, 3 albums Live et pléthore de titres emblématiques, empreints de son émotion et de sa mélancolie. De Summertime à Strange Fruit, considérée comme la première chanson contestataire de la musique de variété en passant par Blue Moon, que des titres qui touchent, qui chatouillent au fin fond des tripes.
Même si elle est partie y a 59 ans, la musique de Billie Holiday est toujours écoutée et appréciée et sa voix procure toujours la même émotion. Celle qui aurait eu 103 ans cette année est une étoile de plus qui brille dans le ciel de ceux qui ont marqué à jamais le monde par leur musique, mais aussi par leurs engagements et par l’empreinte qu’ils ont laissée dans l’histoire.