D’un coup de foudre pour l’une des plus belles régions de Tunisie, un roman a vu le jour : « Althiburos saison I » de Farouk Bahri. Une sorte d’ode à la région mais aussi à son passé, un passé dont il faut être fier nous dit l’auteur.
Au nord-ouest de la Tunisie, près de Sicca Veneria (Le Kef), dort Althiburos. Un site archéologique découvert au milieu du 19e siècle. Outre sa beauté et sa nature luxuriante faite de végétation et de rivières, Althiburos fut généreuse, elle produisit légumes et céréales pour Rome. Ses vestiges montrent l’existence d’un théâtre, d’un capitole et d’un arc du triomphe. Elle joua également un rôle stratégique sous l’Empire romain. De quoi inspirer un écrivain...
La trame narrative de ce livre vous surprendra probablement, car entre les différentes scènes, la transition est quasi-invisible. Cependant, tout est lié subtilement comme par magie.
Althiburos est une succession de chapitres, et chaque chapitre introduit un personnage du roman. Ceux qui reviennent le plus souvent sont évidemment les personnages principaux : Mayssar le Numide et Alpicus le magistrat romain.
Le ton est donné dès le départ : c’est d’action qu’il s’agit, d’aventure. D’emblée, le lecteur est mis dans le bain. Il est au cœur de l’histoire et fait la connaissance de Mayssar, chef numide, héros avec tous les traits de caractère classiques du héros : force, bravoure, sagesse, témérité. Mayssar est amoureux de sa terre natale, il y vit, il y mourra. L’auteur l’entoure d’une aura forte, ses guerriers l’acclament, Azayad, l’étalon noir sauvage, se laisse dompter par lui…
Appartenant à une caste différente, Alpicus Agrippa, deuxième personnage important du roman, est magistrat et représentant de l’empereur romain Hadrianus à Althiburos. Il incarne force, sagesse et perspicacité. Son rôle est de maintenir la cohésion et la paix dans la ville. Cette ville numide qui, à l’image de la Tunisie, joue le rôle d’un carrefour civilisationnel où tous se rencontrent, échangent, cohabitent. Néanmoins, les manigances et les combines sont là, on les voit, on les sent. Althiburos est aussi un grenier romain, ne l’oublions pas, car c’est de là qu’elle tire sa force.
Des images ressortent du texte de Farouk Bahri mettant en relief la cité. Althiburos se dessine en 3D au fil des pages. Les personnages nous happent et nous emmènent chacun dans son univers, Reza le poète perse, Gaïa la femme insoumise, Janus le sénateur pervers…
Ce livre est une sorte de « Game of thrones » typiquement tunisien, une saga qui ne fait que commencer, et une promesse, celle d’une suite. Qui sait si nous la verrons prochainement à l’écran, car elle semble parfaitement s’y adapter. Mais, n’anticipons pas, revenons au roman d’aventures qui nous fait voyager dans le temps jusqu’au IIe siècle.
Si le récit est fictif, il ne se détache pas totalement de la réalité, on peut le lire comme une allégorie qui trace l’image de notre présent. Dans Althiburos, le pouvoir est un enjeu de taille et la seule condition pour cohabiter c’est d’être tolérant envers les autres. Car, telle une mosaïque colorée, la cité est un melting pot. Toutefois, tous les habitants ne sont pas traités sur le même pied d’égalité. Entre les villas romaines luxueuses et les quartiers d’en bas où règne la misère, il y a tout un monde. Entre un Numide et un Romain, les limites sont dessinées par des lignes rouges. Gouvernée par l’oligarchie, la corruption et la contrebande sont monnaie courante dans la cité. L’art et la culture sont présentés, à travers le Palais des Muses, comme un lieu où les différences se fondent et où la tolérance naît. Un air de déjà vu ?!
La fin de l’histoire est inexorablement un début, celui de la saison II que l’auteur nous a promise. Elle ouvre la porte à la suite de l’aventure dont il a si bien dessiné les premiers traits.
On lit Althiburos avec facilité. C’est une fiction historique qui cible les lecteurs de 7 à 77 ans. Elle leur peint une partie de notre histoire et enrichit la production littéraire tunisienne d’un genre qui n’est pas toujours exploité.
« Écrire l’histoire est une façon comme une autre de se libérer du passé » selon Goethe, et nous avons besoin de considérer le nôtre avec recul. Nous avons besoin d’en tirer les leçons qu’il faut, de ne plus être seulement nostalgiques de nos « 3000 ans d’histoire ». Les productions littéraires en sont un parfait moyen.