All that jazz

All that jazz

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 Sidi Bou Makhlouf, sur sa tour perché, tenait dans sa main une bougie allumée. Voilà deux siècles que le Saint Patron surveille la Kasbah en écoutant les chants provenant du café qui porte son nom. Aujourd’hui c’est du Jazz qui lui arrive aux oreilles. La troisième édition du Sicca Jazz a fait swinguer la ville du Kef au rythme de Take Five de Dave Brubeck, mais pas seulement!

  

 

 

 

Six heures du matin. Les gazouillements du canari de notre hébergeuse, madame Naima, me réveillent. Elle y tient à son serin et nous demande tout le temps de fermer la porte en rentrant. «Si vous ne fermez pas, il risque de s’envoler», insiste-t-elle. Au festival, c’est un oiseau d’un tout autre genre que nous avons rencontré : Hamideddine Bouali, célèbre photographe tunisien. Je le vois monter sur scène, coller aux musiciens. En dépit des rappels à l’ordre, il la voulait sa prise. Après chaque déclic, il mettait ses lunettes, regardait son écran et revenait à la charge. Je ne pouvais pas ne pas comparer sa démarche à celle des autres photographes. Certes Bouali appuie moins que les autres sur le déclencheur, mais la rareté de ses captures n’en garantit pas moins la magie de ses photographies.

 

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Célébrer la diversité avec Yacine Boulares

Yacine Boulares, de Paris à New York en passant par Tunis, trouve le sens du swing ! Après son escale à Misk, au Studio 45, avec son Ayojo, Yacine Boulares est allé faire danser les Keffois. Son album tisse les rythmes africains aux sonorités new-yorkaises, le tout porté par la voix soul de la sublime Sarah Elizabeth Charles. On retiendra le speech touchant du saxophoniste: «Cet album est la rencontre de différentes nationalités, chacun de nous vient d’un continent, et je voudrais célébrer la diversité avec vous ce soir.»

 

 

 

 

Moncef Gennoud l'inspiré

Accompagné du bassiste Timothy Verdesca et du batteur Malek Lakhoua, le virtuose aux mains d’argent nous a emmenés avec lui dans une balade mélancolique, puis dans des lieux insoupçonnés où nous retrouvons l’harmonie première du feeling jazzy, comme sa reprise jazzy de «smell like a teen spirit» de Nirvana. Il ponctuera sa performance d’un «One, two, three» énergique entre deux morceaux, et d’un «Summertime in Kef». En attendant de retourner à Genève pour donner des cours, le pianiste continue sa tournée. Prochaine escale : l’île Maurice. Vous pouvez retrouver l'interview intégrale avec Moncef Genoud ici 

 

 

 

 

Kenny Garett et good vibes 

Kenny Garett et ses musiciens arrivent sur scène. Fumée blanche et «Seeds from the Underground», la soirée s’annonce épique. Dans la lignée de John Coltrane, le talentueux saxophoniste improvise et nous inspire à volonté. Ses sonorités généreuses, appréciées par Miles Davis, Art Blakey et Ron Carter, sont une ode à la liberté, à l’exubérance et à la spiritualité. Ce soir le chapiteau est plein à craquer, l’audience tape des mains, au moment où les percussions entrent en jeu, les corps se déchaînent, femmes, hommes et enfants dansent, lâchés sur fond de hard bop et de funk. Kenny Garrett leur demande de se rapprocher de la scène, emporté par la foule, il ne regarde plus l’heure. «Are you happy people?», demande-t-il au public qui répond avec un «yes» énergique. Avec ses sonorités orientales, son célèbre titre «Happy people» a enflammé l’audience.

 

 

 

 

 

La bonne action de Sicca Jazz 

On découvre l’hôpital du Kef avec les yeux de Foucault : des bâtiments de 3 à 4 étages de hauteur, des escaliers interminables et des portes alignées. On se perd dans le labyrinthe hospitalier à la recherche du service pédiatrique. Une femme qui travaille au Samu me guide. On y est. Là, on voit des hommes en costumes, un caméraman, des infirmiers, des responsables de la région et des musiciens. Les enfants sont dans les chambres avec leurs mères. Pudiques, Boulares et Karoui osent à peine y entrer par peur de déranger, mais il a suffi d’une première note de musique pour que l’atmosphère change, faisant presque oublier l’odeur de la peinture fraîche des couloirs. Sarah Elizabeth Charles, la diva à la voix Soul, chante des berceuses dans la langue de Shakespeare. Les enfants la regardent, curieux et admiratifs. Les infirmières tapent des mains au rythme de la mélodie. Ce matin-là, la musique a adouci les maux des corps et des esprits.

 

 

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