Un an, déjà… Il y a un an que Misk, la station qui ne fait rien comme tout le monde -disons, pas grand’chose comme tout le monde, et tout en mieux, objectivement- se décidait à préparer l’année de la Coupe du Monde de football en en parlant. Pas que de foot, notez, mais essentiellement, puisque c’est le sport phare du pays et qu’on ne vit pas sur Mars (même si certains d’entre nous vivent en After Eight depuis peu…). Bref. La Tunisie était qualifiée, visait selon son sélectionneur les quarts de finale, on regardait les matches des Aigles de Carthage jusqu’au palais du même lieu et le monde ne pouvait se porter que mieux.
Un an plus tard donc, les myriades de professionnels aiguisés qui livrent quotidiennement le contenu éblouissant de notre radio et ses inspirées activités périphériques se sont penchés intensément sur le sujet. En gros on a causé autour d’un café de si on continuait à parler sport après cent jours de trêve et après les déceptions continues de nos diverses sélections aux Coupes du Monde (foot, hand, volley, remarquable tir groupé). Après quelques critiques de nos lecteurs/auditeurs, aussi -très constructives, alliant souvent mères et religion. Il est toujours révélateur de constater comme les citoyens sont moins vite mobilisés que les supporters. Et, comme les anniversaires sont à la mode en ce moment (on a même exhumé récemment chez Misk Walid Taoufik et son interplanétaire hymne à la chose, vu qu’on habite du côté de Monplaisir), les réjouissances contagieuses, qu’il faut du contenu et qu’il y a eu quelques réactions positives dans le tas d’injures, on va donc continuer, si possible ‘à la Misk’, de façon alternative, et en essayant comme le disait Eric Cantona (l’ex-peintre devenu acteur -en le disant vite…), de « chercher le beau ».
What’s my name?
C’est Snoop Dogg qui posait la question, mais à l’époque où il le faisait, la Tunisie n’avait pas encore de surnom aquilin (… Mohamed Ali aussi a posé la question à Ernie Terrell, mais moins amicalement. Bref). Car telle l’harmonisation de nos sélections nationales (sauf le basket, merci à eux) qui se sont mises au niveau du pays et en mode déception, le surnom des Aigles de Carthage est relativement récent. Car oui, millions de lecteurs passionnés, jusqu’à peu, la Tunisie pouvait se targuer d’être le seul pays africain à ne pas avoir de surnom. C’était bien, cette particularité, ça nous distinguait du reste sur le papier à défaut d’y parvenir sur le terrain, entre Léopards, Lions divers, Antilopes et Éléphants. On aurait pu prendre les hippopotames, inusité, et vu certains de nos joueurs, ça aurait été adéquat morphologiquement à défaut de géo-zoologiquement. Mais non, unique en Afrique, la Tunisie, pas de surnom.
Bon, soyons précis, la Libye non plus n’en avait pas (le drapeau version Kadhafi inspira un « les verts » très peu usité et assez terne point de vue inspiration). Mais la sélection tripolitaine ayant souvent boudé les compétitions au gré des humeurs du fantasque colonel, on ne le remarqua que peu. En revanche, en novembre 1989, la Tunisie attint à la force du jarret et en usant deux sélectionneurs le dernier tour des éliminatoires de la Coupe du Monde. Disputant le match aller à Yaoundé, notre sélection de football posa un sérieux problème au réalisateur télé camerounais. À la surimpression, il présenta la formation des Lions indomptables du Cameroun. Puis pour la Tunisie, il fallait mettre quelque chose, il n’était pas concevable qu’il y ait un vide à l’écran. Il apposa alors le surnom d’Aigles à nos valeureux sportsmen. La suite est connue par les plus de trente ans : la Tunisie gêne le Cameroun sur sa pelouse spongieuse, puis les aigles ont les pattes prises dans la boue, s’inclinent 2-0 brutalement et dans les derniers instants, et au moment de quitter le territoire camerounais le commandant de bord refuse de décoller pour excès de fret puisque, désireux de ne pas avoir fait le déplacement pour rien, la délégation tunisienne (journalistes en tête) avide de bananes (fruit alors introuvable en Tunisie) en a acheté plus que le Velvet Underground n’en a jamais vendu sur les pochettes de ses albums, ce qui fait beaucoup. La légende veut qu’un gars ait bouffé à même le tarmac l’équivalent de deux régimes dudit fruit pour amortir sa perte -allez savoir.
La Tunisie y avait gagné un surnom qui perdurerait, après quelques atermoiements (‘les cavaliers arabes’, très éphémères, l’aigle de Khroumirie, symbole de la combien réussie CAN 1994) et s’installerait définitivement au tournant du millénaire. Un paradoxe : l’animal totémique de la Rome impériale associé à sa plus féroce rivale qu’il défit. Mais pour le cas qu’on fait de l’histoire en Tunisie, hein… On aurait pu profiter de l’aigle botté, espèce existant dans nos contrées, mais je suppose qu’on l’a botté en touche. Point de vue animalier, le public sportif est demeuré, lui, le dindon de la farce.