5 monologues qui ont fait vibrer l'histoire du cinéma

5 monologues qui ont fait vibrer l'histoire du cinéma

Partager

La parole au cinéma prend différentes formes, elle est mise en scène à travers le dialogue, la tirade et le monologue.

 

Quand dans l’histoire, le protagoniste se lance dans un monologue, il nous ouvre une porte de plus pour essayer de le comprendre, et nous spectateurs sommes ainsi satisfaits par cet instant suspendu où la parole devient sincère, pertinente, assassine et résonne avec nos pensées et sentiments les plus profonds. Le personnage  exprime à travers le monologue au cinéma  un mal commun à tous, l’opinion du réalisateur, ou  une idée politique, il révèle ainsi à voix haute son moteur interne.

 

Le dictateur de Charlie Chaplin 1940

L’Allemagne aura essayé d’arrêter le tournage de ce grand classique du cinéma, mais Chaplin finira le film à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, il réussira à sensibiliser l’opinion nord-américaine, et à dévoiler au monde l’absurdité et la cruauté du régime nazi. Lui qui est né à quatre jours d’intervalle avec le vrai Hitler, son incarnation du Führer fut d’une justesse et d’une poésie  magistrale et c’est le monologue “ le discours du dictateur” qui restera comme l’un des plus beaux et forts moments de sa carrière.  

 

"Espoir... Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n'est pas mon affaire."

 

 

 

 

 

24 heures avant la nuit de Spike Lee 2002

Dans un tout autre registre avec “24 Heures avant la nuit” de Spike Lee, et le pétage de plombs de Edward Norton à cause d’un “F*** You” sur le miroir . Incarnation de l’antisociale en colère, il ne lui reste qu’une nuit de liberté avant d’aller en prison, une nuit où il dû faire le bilan de sa vie. Dans ce monologue face au miroir, le personnage vomit sa haine contre New York et ceux qu’il a croisés, sa famille et ses amis.

J'emmerde mon père, veuf inconsolable qui passe sa vie derrière son bar à siroter de l'eau gazeuse et à vendre du whisky aux pompiers en acclamant les New York Yankees.
J'emmerde cette ville et tous ses habitants.

 

 

 

Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese 2013

Film devenu culte, notamment grâce à l'interprétation géniale de Leonardo DiCaprio dans le rôle de Jordan Belfort , un courtier véreux qui a fait couler beaucoup d’encre dans les années 1980. Le morceau choisi du film est le “speech de motivation” sous cocaïne lancé par l'anti-héros à ses salariés, une ode au capitalisme, à l’argent et au pouvoir.

Règle du jeu : mettre l'argent du client dans sa poche.

 

 

 

 

 

Stalker de Andrei Tarkovsky  1979

Sorti en 1979, Stalker est un no man’s land, une terre perdue dans un monde dénaturalisé où pourtant la nature foisonne. La zone, lieu terrible où s’exaucent tous les vœux. Prétexte à une traversée psychosensorielle, existentielle, sémiologique et sémantique (l’image créant le sens et le sens créant l’image). Ce tiers-espace que le passeur fait traverser aux deux protagonistes n’est que le commencement et non la destination   (la suite)

« Vous avez parlé du sens de notre vie. Du caractère désintéressé de l’art. Prenons la musique, par exemple. Elle est liée à la réalité moins que toute autre chose. Ou si elle l’est, c’est de façon involontaire, mécanique, simplement par le son, sans associations. Et pourtant, on ne sait par quel miracle, la musique atteint l’âme. Que fait résonner en nous cette harmonie de sons pour nous procurer un tel plaisir, pour nous unir et nous surprendre ainsi ? A quoi tout cela sert-il ? Et surtout à qui ? Vous répondez : ‘‘Ça ne sert à personne et à rien, c’est un acte désintéressé.’’ Mais non. C’est peu probable. Au bout du compte, tout a un sens. Un sens, une raison. »

 

 

 

 

Le Pornographe de Bertrand Bonello (2001)

L'histoire est celle de Jacques Laurent, un réalisateur cinquantenaire de films pornographiques complètement has-been reprend les tournages à la suite de difficultés financières. Voici son magnifique monologue, en texte,  sur l'obscénité : 

« Ce ne sont pas mes films qui sont obscènes. Ce sont vos questions. Mais je vais quand même vous répondre. Ma femme ne m'a jamais rien dit sur mon métier. Elle a toujours supporté. Même si j'imagine qu'elle aurait préféré que je fasse autre chose. Ça a pas dû être évident, mais elle a assumé. Elle a toujours été là. Alors c'est moi qui n'ai plus supporté, je suis parti. Parce que j'ai cinquante ans, que je me sens lourd, j'ai le corps lourd vous comprenez. J'ai des douleurs dans le dos et la poitrine parce que je vieillis. Et je filme des gens qui baisent. Et je continue à le faire parce que je sais comment le faire, parce que c'est un métier, que vous le croyez ou non. Même mon fils m'a pardonné. Et ça aussi c'est terrible qu'il m'ait pardonné. C'est terrible parce que je deviens le fils de mon fils, et en regardant je vois mon père et j'ai envie de pleurer. Ne vous inquiétez pas, j'ai un peu bu mais au moins ça m'a permis d'être poli avec vous. Ma femme s'appelle Jeanne. La seule question qu'elle m'ait jamais posée quand on s'est marié, c'est si je couchais avec mes actrices. C'est tout. Je suis allé chercher mes dernières affaires chez elle tout à l'heure. Il y a une heure, parce que comme je vous l'ai dit je suis parti. Elle ne disait rien, elle attendait, que je dise un mot, que je décide quelque chose. Mais j'ai pas pu. Je n'ai honte de rien de ce que j'ai fait, et pourtant je n'ai pas pu. Je n'ai pas bougé, j'ai pris mon manteau et je suis parti. Je ne sais même pas comment je suis arrivé à venir ici. Si, en fait je sais. C'est parce que si je n'étais pas venu parler à quelqu'un, je me serais certainement jeté par la fenêtre. Alors je suis quand même venu. Je ne sais absolument pas ce que je vous ai raconté, et ça m'est absolument égal. Je ne vous remercie pas, je m'en fous. Parce que vous me parlez de carrière, et moi je vous parle de ma vie. Voilà pourquoi elles sont obscènes vos questions. Voilà pourquoi c'est vous qui êtes obscènes, et pas moi. »