Le maître de l’animation japonaise Hayao Miyazaki a finalement décidé que Le vent se lève ne serait pas son chant de cygne. Sortant de la retraite qu’il avait annoncée en 2013, il a déclaré, via les studios Ghibli, qu’il avait trouvé l’idée d’un nouveau film.
En attendant de voir le prochain chef-d’œuvre du maître, qui sera cette fois, vraiment le dernier, nous nous sommes offert une balade parmi ses films.
Comment décrire Miyazaki en quelques lignes ? Une filmographie poétique, fortement ancrée dans les traditions shintoïstes et bouddhistes dont elle utilise le vocabulaire. Des personnages attachants et singuliers qui rompent avec les codes de beauté et des quêtes motivées par la recherche de l’amour et du pouvoir, de ses héroïnes aux allures contrastant avec celles des princesses de contes de fées, qu’on a l’habitude de voir dans les autres films d’animation. Bref, un Miyazaki est un concentré d’art, de philosophie, de culture et de folklore japonais, alliant profondeur et légèreté. Une alchimie dont lui seul et les studios Ghibli qu’il a cofondés en 1985 détiennent la recette.
Le cinéaste, plusieurs fois primé, lion d’or pour l’ensemble de sa carrière en 2005, oscar d’honneur en 2014, oscar du meilleur film et ours d’or pour Le voyage de Chihiro ainsi que l’Oscar du meilleur film animé, n’a cessé de nous faire voyager de 1979 à 2013 dans un monde souvent peuplé d’esprits fantastiques.
Voici une sélection de 3 films incontournables de Hayao Miyazaki qui ont fait sa réputation et sur lesquels tout fan est obligatoirement incollable.
Princesse Mononoké
Si en 2006, le Times a inclus Miyazaki dans la liste des personnalités asiatiques les plus influentes, son succès s’est propagé dans le monde grâce à Princesse Mononoké qui le propulsa sur la scène internationale en 1999.
Le film, sorti le 12 juillet 1997 au Japon, se passe au 15e siècle à l’ère Muromachi. Ashitaka, futur chef Emishi, est frappé par une malédiction au bras après avoir tué un sanglier transformé en démon. Pour guérir le mal qui lui gangrène le bras, il doit aller à la rencontre d’un Dieu Cerf dans la forêt. Sur sa route, il rencontre la princesse Mononoké, née parmi les loups et qui en veut au peuple Tatara, des forgerons qui étendent leur village aux dépens de la forêt. Le village est gouverné par Dame Eboshi, à la fois dure et bienveillante envers les miséreux et les marginalisés. Un exemple type des personnages, tout sauf manichéens du maître de l’animation nippone.
Sur fond d’une bande originale réalisée par le compositeur et pianiste Joe Hisaishi, qui épouse parfaitement l’esthétique des dessins de Miyazaki, l’épopée avec ses personnages et ses histoires complexes a séduit le large public et si vous ne l’avez pas encore vu, vous pouvez toujours vous rattraper. Ce film sur la quête d’un équilibre où tout le monde peut vivre en paix est presque intemporel.
Spirited away (Le voyage de Chihiro)
Chihiro est une fillette de 10 ans qui déménage dans une nouvelle ville avec ses parents. La scène qui ouvre le film montre une Chihiro capricieuse, molle, qui n’a aucune envie de changer d’amis ou d’école. À l’orée d’une forêt, la famille fait une pause, remarquant un tunnel, elle le traverse et se retrouve dans un parc d’attractions abandonné. Les parents se transforment en cochons en se goinfrant de la nourriture qu’ils trouvent sur un étalage. Chihiro se retrouve seule, incapable de retourner à la voiture, car le chemin est coupé par une rivière. Commence alors sa quête. Celle d’une petite fille qui doit travailler dans un bain, sous la direction de la sorcière Yubaba qui lui vole son nom et son identité. La fillette s’arme de bravoure et à la fin du film c’est une Chihiro courageuse et déterminée que l’on retrouve. Peuplé de Kamis et autres créatures fantastiques de la culture japonaise, le film est aussi plein de métaphores symboles d’obstacles et de défis de la vie quotidienne.
« Ce film s’apparente à un récit d’aventures, mais sans agitation d’armes ni super pouvoirs. Et même si je parle d’aventures, le sujet n’est pas la confrontation entre le bien et le mal, mais c’est plutôt l’histoire d’une petite fille qui, jetée dans un monde où se mêlent braves gens et personnages malhonnêtes, va se discipliner, apprendre l’amitié et le dévouement, et va mettre en œuvre toutes ses ressources pour survivre. Elle se tire d’affaire, elle esquive, et retourne pour un temps à son quotidien. Dans le même temps, le monde n’est pas détruit, et ceci n’est pas dû à l’extermination du mal, mais au fait que Chihiro possède cette force vitale. » Hayao Miyazaki, Cine Livre, avril 2002.
Porco Rosso
« Pour les Japonais, le cochon est un animal pour lequel on a de l’affection, mais qu’on ne respecte pas. Pour moi, c’est un animal avare, capricieux et qui n’est pas sociable...
En termes bouddhistes, il a tous les défauts de l’être humain : il est égoïste, fait tout ce qu’il ne faut pas faire, jouit de sa liberté. Il nous ressemble beaucoup !". HM Positif n° 412 juin 1995.
Car dans Porco Rosso, c’est bien d’un cochon qu’il s’agit. Un aviateur humain avec un visage de cochon ! Ce film ne devait pas être un long métrage, mais sa création a coïncidé avec la guerre en Serbie et, l’aversion de Miyazaki pour la guerre a fait que le film évolue, se développe mobilisant un peu plus de 100 personnes, pour sortir en 1992 au Japon. L’histoire se passe en Italie, dans les années 30, un pays qui n’est pas fait pour la guerre affirme Miyazaki. Le personnage principal lutte contre le fascisme. Marco Pagot conduit un hydravion rouge et est chasseur de prime, confronté aux pirates.
Les décors sont beaux, les dessins faits à la main (pour changer), mais le film ne puise pas dans la magie ni dans l’imaginaire populaire japonais. Il est plus réaliste, il est différent.
Le père du réalisateur travaillait dans l’aéronautique et cette passion pour les avions, qui nous rappelle vaguement Saint Exupéry, revient dans le vent se lève, vingt ans plus tard…
Beaucoup d’écrivains et de cultures ont influencé les créations de Miyazaki. Dans Totoro il y a une référence à Lewis Carroll avec le chat bus qui s’inspire du chat d’Alice. Dans Ponyo, des airs de la petite sirène d’Andersen. Pour son prochain long qui sortira en 2019 ou 2020, c’est dans la littérature irlandaise pour enfants que le maître compte aller puiser. Il complétera ainsi une mosaïque d’œuvres magiques, candides, intelligentes qui appellent à la paix à la tolérance et à l’harmonie… un beau message pour les générations futures.