Juste après les dernières élections américaines où Donald Trump est devenu Président des USA, les ventes de « 1984 », le roman d’Orwell, ont explosé.
Il semblerait que les périodes de crise incitent à des lectures bien particulières. Attentats, accès au pouvoir de personnes jugées menaçantes pour l’équilibre social… le tout impacte les préférences des lecteurs. Nostalgie, besoin de positiver ou résignation, les sentiments varient, le choix des livres aussi. En France après les attaques du Bataclan, le livre « Paris est une fête » d’Hemingway a connu une rupture de stock. L’attaque de Charlie Hebdo a, quant à elle, propulsé les ventes du « Traité de la tolérance de Voltaire ».
Quand Trump a remporté les présidentielles aux USA en 2017, lui et son porte-parole ont tenu des propos erronés sur le nombre d’assistants et le déroulement de la cérémonie d’investiture. Acculée par la presse, sa conseillère, Kellyanne Conway, a justifié la désinformation en invoquant des « faits alternatifs ». Les médias rebondissent et évoquent le roman d’Orwell « 1984 » qui cite la même expression pour illustrer la manipulation de l’information par les gouvernants.
Les gens se sont rabattus sur la dystopie de l’écrivain britannique et les éditeurs ont dû commander des dizaines de milliers d’exemplaires pour satisfaire la demande. Il faut dire qu’Orwell a été visionnaire sur ce coup, son roman a souvent été qualifié de futuriste. Surveillance rapprochée, espionnage des citoyens, délation, manipulation de l’information… Une vision de notre vie actuelle.
« 1984 » a été écrit en 1948, il parut, la première fois, le 10 juin 1949. Georges Orwell y dépeint des régimes totalitaires, fictifs, qui vont jusqu’à manipuler les individus prenant contrôle de leur pensée, les surveillant à longueur de journée. « Big Brother -le dictateur- is watching you » est la devise de l’opus, il est omniprésent, omnipotent.
Déjà et en 1945, à la sortie de la Première Guerre mondiale, Orwell publie une satire « La ferme des animaux » dans laquelle il critique le régime despotique communiste de Staline. Quatre ans après son roman « 1984 » voit le jour et... il est toujours question d’un moustachu.
Il y décrit le régime d’un parti unique qui règne sur Océania, qui manipule les informations et où Winston Smith, membre du parti et employé du ministère de la vérité, tente de défier l’autorité, mais échoue.
Smith est le personnage principal du roman, il décrit la vie, la société sur laquelle il a un regard critique. Les citoyens sont asservis physiquement et psychologiquement. Leur corps appartient à l’État, ils sont maintenus dans une situation de vulnérabilité et de fatigue pour ne jamais se rebeller. L’amour ainsi que tout plaisir sexuel sont strictement interdits.
Le parti va même jusqu’à inventer une nouvelle langue, la « Novlangue » qui dispose d’un nombre de mots excessivement réduit, ce qui réduit par conséquent les possibilités de s’exprimer et de penser.
Il instaure une police de la pensée et change aussi la vérité, il invente la notion de « Doublepensée » : deux mots sont collés portant un double sens contradictoire interprété selon la situation. En Océania, même le passé est altéré et c’est le ministère de la Vérité où Winston Smith travaille qui s’en charge… « faits alternatifs », dites-vous ?
Georges Orwell, avec son roman de science-fiction, ne décrit-il pas notre vie actuelle où la technologie est une arme à double tranchant, où le virtuel prime sur le réel, où les caméras de surveillances sont partout, où les faits ont souvent plusieurs lectures qui varient selon le positionnement de celui qui les interprète et où la mémoire collective est souvent sujette à l’instrumentalisation ?
En réalité pic de vente ou pas, le roman, qui fête son 68e anniversaire, continue à être un best-seller dans le monde depuis sa parution et jusqu’à aujourd’hui. Il est considéré comme la plus belle œuvre d’Orwell qui a fait appel à ses talents d’écrivain, mais aussi de journaliste et de chroniqueur politique. Sa perspicacité a fait de lui un visionnaire capable d’imaginer sans difficulté un futur plus ou moins proche. « 1984 » est plus que jamais d’actualité !
"Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C'est exactement l'opposé des stupides utopies hédonistes qu'avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d'écraseurs et d'écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu'il s'affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L'ancienne civilisation prétendait être fondée sur l'amour et la justice, la nôtre est fondée sur la haine... Dans notre monde, il n'y aura pas d'autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l'humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout". 1984 - Georges Orwell.