La légende britannique de la scène et du grand écran Vanessa Redgrave est passée récemment derrière la caméra pour son nouveau film documentaire « Sea Sorrow » (La Douleur de la mer).
Redgrave a décidé de faire ses débuts de réalisateur sur ce film, produit par son fils Carlo Nero, après avoir vu les images du corps du petit garçon syrien « Aylan Kurdi » rejeté par la marée et échoué sur le rivage d’une plage turque en 2015.
« Sea Sorrow » documente les efforts déployés par la société civile anglaise pour faire pression sur les élus britanniques afin de permettre à plus de réfugiés, surtout des enfants, d’entrer au Royaume-Uni.
S’adressant directement à la caméra, accompagnée de dirigeants travaillistes britanniques et de militants associatifs et politiques, Vanessa Redgrave met l’accent sur le fait que des « mesures immédiates sont nécessaires pour admettre des mineurs dans le Royaume-Uni, et dans d’autres pays avant qu’ils ne soient pris dans les filets de la criminalité et la traite des êtres humains ».
En sollicitant le soutien de célébrités tels les acteurs Ralph Fiennes et Emma Thompson, le dramaturge Martin Sherman, ou encore l’ancien parlementaire et homme politique anglais Lord Alfred Dubs, celui-là même qui avait milité en 2016 en faveur d’un amendement à la Loi sur l’immigration, pour offrir aux enfants réfugiés non accompagnés un droit d’entrée en Grande-Bretagne au milieu de la crise européenne des migrants.
Sans les nommer, ni se laisser aller dans l’invective, Redgrave prend violemment à partie ceux qui veulent fermer les frontières, construire des murs et garder les immigrants loin de leurs rivages.
L’actrice britannique plaide tout au long de son documentaire en faveur d’un monde meilleur, un monde solidaire où l’humain serait au centre de toutes les attentions.
« Ce que j’espère accomplir avec ce film, c’est d’aider les gens à garder leur humanité lorsqu’ils aident eux-mêmes ».
Tourné au Liban, puis dans toute l’Europe, notamment en Italie, et en Grèce, ainsi qu’en France, le film a entre autres mis l’accent sur la violence avec laquelle avait été évacué la « jungle de Calais », ce campement de fortune formé au fil des ans dans la forêt avoisinant la ville côtière du nord de la France, et peuplé de migrants « candidats » à un passage vers le Royaume-Uni via le tunnel sous la manche.
Le documentaire se termine par plusieurs comparaisons poignantes, on y voit un plan où est magnifiquement déclamé sur scène par Ralph Fiennes le discours de « Prospero » à sa fille « Miranda » dans la pièce de William Shakespeare « La Tempête » (The Tempest) ; « Prospero » y décrit comment il a été chassé de son royaume et forcé à embarquer à bord de la « carcasse pourrie d’un bateau » jusqu’à son naufrage sur une île.
Le titre du documentaire est inspiré d’une tirade de la pièce, et Vanessa Redgrave décrit ce choix comme exprimant « profondément la peur, la terreur et la reconnaissance éprouvée envers la providence si votre vie avait été sauvée d’une manière ou d’une autre ».
L’autre comparaison, plus personnelle celle-ci, Redgrave y décrit ses propres expériences d’enfance pendant la Deuxième Guerre mondiale quand elle a été obligée de fuir Londres vers la campagne, et son souvenir encore vivace de la ville de Coventry en flammes... « Je pensais que mon histoire, mes expériences en tant que “évacuée” de deux ans de Londres au début de la guerre, pourraient être importantes. Ce qui m’est arrivé quand j’étais enfant était presque “insignifiant” par rapport à ce qui arrivait à de nombreux enfants, mais, en Grande-Bretagne, il y a tellement de gens qui ne connaissent pas notre histoire. J’ai pensé que la meilleure façon de mettre l’accent sur ce fait serait de raconter mon histoire, d’abord parce que cela s’est réellement produit, et parce que je pense que cela aiderait à expliquer aux gens pourquoi nous devons aider les réfugiés ».
Ayant reçu deux nominations lors du Festival de Cannes en mai dernier, dans la section « caméra d’or » et sélectionné dans la catégorie « séances spéciales », le documentaire de Vanessa Redgrave ne manquera pas d’alimenter le débat sur le dossier de l’immigration lors de sa présentation en marge du New York Film Festival qui se tiendra dans « La grande pomme » entre le 28 septembre et le 15 octobre 2017.